mardi 31 mai 2011

Oldies but Goodies! (3)

Et pour ce soir que des vieilleries dédiées à réhabiliter des grands oubliés de la musique populaire!

On commence d'abord avec la pétillante Ruth Brown. La dame impose avec force sa voix sublime et hargneuse dans cette chanson, Mama He Treats You Daughter Mean, qui se font plus qu'écho aux affaires en cours de scandales sexuels...
Dans les années 50, alors que ses singles très pop avant l'heure cartonnent dans les charts R&B, Ruth Brown doit pratiquer son art dans l'Amérique ségrégationniste des années 50... Malgré cela, la chanteuse se bat pour conquérir sa part de reconnaissance auprès des grandes maison de disque et notamment la sienne, Atlantic, et n'oublie jamais de glisser dans ses chansons des messages contre le sexisme ou le racisme... Toujours avec force, conviction, talent et bonne humeur.
C'est pour ça aussi qu'on aime tant Ruth Brown...

Et puis quelle voix, merde!

Ruth Brown - Mama, He Treats Your Daughter Mean


On enchaîne avec la méconnue Sister Rosetta Tharpe. Comme son nom l'indique, Soeur Rosetta est une femme d’Église. Logiquement elle pratique donc le gospel, mais de manière radicalement différente...
La dame est en effet une des toutes premières rockeuses de l'histoire... Comme on le voit dans cette vidéo exceptionnelle, notre nonne claque des solos de guitare que n'auraient pas renier Clapton ou Richards... Mais 20 ans avant ces gens-là!!!

Voilà donc le précieux document... Tout simplement HALLUCINANT.

Sister Rosetta Tharpe - Up Above My Head


Enfin pour conclure, un style aujourd'hui bien trop méconnu, dénigré ou carrément oublié... Le doo-wop! Célèbres dans les années 60 grâce à un unique grand succès, I Love You, les one-hit-maker de chez les Volumes étaient en réalité une exceptionnelle formation doo-wop, mélodique et entrainante à souhait.
On les retrouve ici avec un titre absolument solaire, la divine Come Back Into My Heart... Merci le doo-wop!

The Volumes - Come Back Into My Heart

dimanche 22 mai 2011

Sparklehorse

S'il ne devait en rester qu'un, ce serait lui. Sparklehorse, le cheval étincelant. Fantasme musical absolu, énigme, ovni, miracle... Mille idées, mots et souvenirs fourmillent et me sautent à l'esprit quand on évoque ce nom onirique et poétique. Sparklehorse est la grâce permanente, c'est la mélancolie, le souvenir de l'enfance, c'est la fragilité de la nature... Et plein d'autres choses encore. L'imagerie et la musique du groupe constituent, dans mon petit système de valeurs personnel, un sommet inégalé de beauté.

Sparklehorse


Mais derrière Sparklehorse se cache un homme-orchestre visionnaire, l'archétype du génie solitaire, j'ai nommé Mark Linkous. La vie de Linkous est intimement lié à son œuvre, aussi le parcours du monsieur est particulièrement intéressant à retracer, permettant d'éclairer la beauté mystérieuse et énigmatique de la musique de Sparklehorse.

Originaire de Virginie, Linkous grandit dans une région ouvrière où la principale source d'emploi se trouve être l'exploitation minière...
Excédé par l'enfer musical dans lequel il se trouve (country et FM étant les deux seules mamelles auprès desquelles il peut s'abreuver), Linkous forgera très tôt sa différence en se laissant pousser les cheveux, se procurant tout les disques de punk qui lui passeront sous la main, et finissant par rejoindre un groupe de motards ultra-violents, "pire que les Hell's Angels"... Sa vie balancera alors entre épisodes violents et virées en moto, et l'histoire aurait très bien pu s'arrêter là... Si seulement la musique n'était pas devenue sa vocation.

Car dans le même temps, et c'est certainement ce qui le sauvera, il développe un amour profond pour certaines grandes figures du rock alternatif, au premier rang desquelles se trouve Daniel Johnston, Tom Waits ou Guided By Voices.
Tant et si bien qu'au milieu milieu des années 80, Mark part loin de chez lui, à New York, pour former un groupe de rock indé qui gravite dans le même milieu que les futurs membres de Cracker ou Camper Van Beethoven (deux groupes à écouter). La formation s'appelle Dancing Hoods et sonne plutôt bien à vrai dire, s'attirant même les louanges des géniaux Replacement. Malheureusement le succès ne sera jamais vraiment au rendez-vous, et malgré un départ pour la Californie, aucun contrat ne sera signé avec une major... Le groupe décide alors d'un commun accord de se dissoudre.

Dancing Hoods - Torn Away


Linkous n'a dés lors plus aucune illusion et se dit dégoûté par l'industrie musicale en général. La boucle est bouclée quand il décide de retourner d'où il vient en s'installant dans une ferme paisible au cœur des prairies verdoyantes de Virginie. Il suit une cure de désintoxication et reprend plus ou moins goût à la vie. Bien heureusement, il n'arrête pas la musique pour autant. Assagi de ses excès passés, il a tout le temps de se remémorer ses vieux souvenirs, de s'attarder sur les petits détails qui rendent la vie si belle et de ressasser ses éternelles obsessions, le tout en façonnant tranquillement de belles chansons très intimes à la guitare ou au piano (harmonica et orgues faisant aussi partie de son quotidien).

Mark Linkous - Excellentissime reportage en 5 parties!


L'homme a, à ce moment là, perdu tout intérêt commercial ou social dans la production artistique, composant ses chansons uniquement pour leurs beautés intrinsèques, sans aucun souci d'une vision extérieure sur sa musique... "C'est à partir de là que j'ai commencé à écrire de bonnes chansons" confiera-t-il plus tard. Son ancien compère de Dancing Hoods, David Lowery, émerveillé devant la qualité des essais solitaires de son camarade, insistera longtemps auprès de Linkous pour qu'il enregistre son œuvre. Mais il se heurte durant de longues années au refus de Linkous, qui pense alors sincèrement qu'enregistrer ses chansons leurs feraient "perdre leur innocence".
Ses compositions auraient au final très bien pu ne profiter qu'aux oiseaux, araignées et chiens de sa vieille propriété en bois de Virginie. Sa musique, belle et intacte aurait alors retentit pour toujours dans l'espace et le temps, et le monde n'aurait jamais rien su.

Sparklehorse - Babies Of The Sun


Mais à force de persistance et de persévérance, Lowery parviendra à capter l'essence de cette musique à la fois profondément sudiste et campagnarde, mais en même temps raffinée et cultivée, sur un premier album qu'il produira (de manière magistrale) lui-même: Vivadixiesubmarinetransmissionplot.
Un album au nom impossible, évoquant Tom Waits et son Swordfishtrombone, mais qui, s'y on le décompose avec attention, suggère la nature profonde de la musique de Sparklehorse: Viva Dixie Submarine Transmission Plot. Comme un plot de transmission perdu retrouvé au fin fond de l'océan après un naufrage, et qui révélerait un trésor immense, rappelant à la vie une musique d'un autre temps, trafiquée, abîmée après tant de temps et d'épreuves, mais recrachant une musique d'une beauté rêvée et fantasmée. Linkous est tel ce trésor repêché au fond de la mer, bien réel mais resté planqué si longtemps qu'il se serait parfaitement satisfait d'un oubli éternel.

Sparklehorse - Sad & Beautiful World - Ma chanson préférée de tout les temps de l'univers entier...


Sparklehorse - Rainmaker


Sparklehorse - Most Beautiful Widow In Town


La somme de toutes ces expériences, bribes de souvenirs et de mélodies, aboutira dans ce premier jet intemporel : un disque que je continue à considérer comme l'un des meilleurs de tout les temps, tout style confondus... On atteint ici un degré d'émotion, une cohérence, un niveau de production et de facilité mélodique totalement impensable. On est en présence d'une vraie œuvre d'art conçue comme telle, chose assez rare dans le monde du rock. C'est comme si Linkous avait passé des années à peaufiner le moindre détail présent sur ce disque... Rien ne semble être ici par hasard, tout paraît avoir un sens précis...

Sparklehorse - Cow


Sparklehorse - Someday I Will Treat You Good


Sparklehorse - Saturday


Sparklehorse - Heart Of Darkness


Plus concrètement, cet album synthétise à merveille mélodies et expérimentations. Le disque mêle élancées fracassantes et ballades mélancoliques apaisées. Les compositions balancent entre le meilleur de l'indie rock 80's/90's (Pixies, Dinosaur Jr, Sebadoh, Teenage Fanclub...), le folk plus traditionnel (Neil Young...), le rock dit "classique" (Beatles, Beach Boys...), et le tout agrémenté de quelques émanations punk (Hukser Dü, Sex Pistols) et expérimentales (Tom Waits). Voilà pour les influences ressenties.

Mais si cet ovni surgissant de nul part marque tant, c'est aussi par la force d'un univers qui impose une originalité décisive, démarquant le son du groupe de toutes les autres formations rock de l'époque. Sparklehorse est fondamentalement différent, et n'appartient de fait à aucun mouvement ni aucune "scène".
Cette identité si forte et si originale vient en partie de cet équilibre à la fois précaire et totalement cohérent de chansons tour à tour violentes et enragées, puis apaisées et mélancoliques. De la langueur des ballades sous le soleil on passe brutalement à la réalité du bitume, embarqués dans les virées en moto de Linkous. A l'image de la vie et des bons films, la musique présente ici est ambivalente et n'offre jamais une seule vision de l'affaire.

D'un point de vue sonique, la production exceptionnelle de Lowery parvient à faire ressortir magnifiquement la voix fragile de Linkous, qui semble toute proche de nos oreilles et n'hésite pas à chuchoter les plus belles mélodies. Le moindre petit détail, des petits bips électroniques aux grésillements de radios en passant par le vacarme du moteur de la monture de Linkous, tout sonne admirablement...

Quant aux paroles surréalistes de Linkous, qui reprennent toujours les mêmes obsessions, elles sont d'une poésie hallucinée qui rappelle sans cesse les grands auteurs sudistes admirés par le musicien, de Cormac McCarthy à J.T. LeRoy, sources d'inspiration continuelle pour Linkous. Les oiseaux, les chiens, sa Guzzi V7, sa cabane au fond des bois, les araignées, les gâteaux d'anniversaires, les radios et les enregistreurs trafiqués, les carrousels et les manèges, les longues soirée d'été, les vieilles guitares en bois, le whisky, les grandes plaines de West Virginia ou encore les chevaux galopants restant cependant, et de loin, les influences les plus perceptibles sur la musique du cheval étincelant...
Ces éléments semblent envahir les moindres recoins de cette musique, et les différents clips tournés pour des chansons issus des deux premiers albums ne s'y tromperont pas, en représentant à merveille cet univers et participant à forger un mythe tenace (voir les clips de Hammering The Cramps, Someday I Will Treat You Good, Rainmaker, Sunshine, Heart Of Darkness, Babies On The Sun, Saint Mary, etc...).

Sparklehorse - Hammering The Cramps (qualité sonore moyenne)


Sparklehorse - Spirit Ditch


Sparklehorse - Homecoming Queen


Sparklehorse - Gasoline Horseys


On l'aura donc compris, Sparklehorse frappe très fort avec ce premier album monumental. Pourtant le plus étonnant est ce qu'il se passera après.

Alors que Linkous et sa bande récoltent un succès tout relatif après la parution de ce premier album (quelques clips sont réalisés, "Someday I Will Treat You Good" se classe correctement dans les charts indépendants américains), le groupe est invité par Radiohead - des fans - à faire leur première partie dans une grande tournée européenne qui aura lieu en 1996.

Le public Européen est, à cette période là, en pleine Creep-mania, et Sparklehorse est chargé d'ouvrir une série de shows dans des salles immenses et pleines à craquer... Le groupe n'est alors pas du tout préparé pour affronter une telle pression, et c'est face à un auditoire complètement odieux, sourd, aveugle et irrespectueux, préférant beugler plutôt que d'écouter la musique miraculeuse qui leur était jouée, que le timide Mark Linkous est obligé d'exécuter son répertoire chaque soir...
C'est ce même public qui exultera quelques minutes plus tard quand retentiront les premiers accords de l'atroce Creep, sommet absolu de l'horreur rock, longue plainte gémissante et dépressive d'un Thom Yorke s'auto-dénigrant devant une foule de groupies déchaînées à ses pieds... Décidément, ce pauvre monde ne tourne pas rond.

Pour Mark, cette tournée est un vrai calvaire. Il vit très mal l’accueil du public et sombre dans la dépression, la vraie, alcools et drogues diverses aidants...
Cette situation dure un petit moment, jusqu'à une tragique nuit dans un hôtel londonien, au cours de laquelle Linkous fait une overdose d'un cocktail réunissant alcool, valium, héroïne et antidépresseurs. Quand il est retrouvé sur son lit, il est inconscient et ses jambes viennent de passer 14 heures pliés sous le poids de son corps. Le sang ne circulant plus, il fait une attaque cardiaque qui le laissera cliniquement mort pendant plus de deux minutes... Avant de revenir miraculeusement à la vie grâce à une séance électrochocs. Les docteurs pensent alors sérieusement à amputer les deux jambes, et il devra subir des opérations à répétition.
Il réussira finalement à conserver ses membres inférieurs, mais passera plus de 6 mois à l'hôpital puis en chaise roulante. Jusqu'à la fin de sa vie il gardera les séquelles de cet évènement tragique, marchant de manière mal assurée, toujours claudiquant et s'aidant parfois d'une béquille (oui oui, ça va, à la Docteur House).

Cet épisode tragique finira de magnifier la légende Sparklehorse et celle de son leader, Mark Linkous. La légende d'une musique et d'un artiste miraculés... Le destin aurait très bien pu nous priver de la musique de Sparklehorse avant même les débuts du groupe (la vie agitée de Linkous, son refus initial de capter sur bande son art) et de nouveau juste après la parution du premier album.
La vie de Linkous et celle de sa musique semblent donc ne tenir qu'à un fil, et on se sent d'autant plus privilégié de pouvoir entendre son œuvre.

S'il est mal en point physiquement, Mark n'a pas pour autant perdu ses facultés artistiques. Revenu littéralement d'entre les morts, notre miraculé accouchera d'un deuxième album hallucinant: Good Morning Spider. Long disque beau et varié comme le précédent, cette galette se distingue par des violons et des bruits électroniques plus présents que précédemment. Sparklehorse pousse plus loin ce qui avait été fait avant, tout en conservant cette identité si particulière qui a fait son charme. Les accents sont ici plus sombres, pourtant les superbes mélodies aériennes et mélancoliques sont toujours là...

Sparklehorse - Sunshine


Sparklehorse - Saint Mary


Sparklehorse - Pig


Sparklehorse - Sick Of Goodbyes


On entend ici le bruit de la pompe à morphine qui le maintenait envie après son accident, là le son d'un vieille orgue électrique trafiqué qui rappelle Daniel Johnston (dont une superbe reprise, Hey Joe, est présente sur l'album!).
"Les détails font la perfection, et la perfection n'est pas un détail" comme qui dirait...

Avec une chanson comme Ghost of His Smile, Sparklehorse préfigure de plusieurs années Grandaddy et invente, dés 1998, comment faire du rock au XXIème siècle...

L’œuvre présentée ici est évidemment encore une fois aboutie et maîtrisée de bout en bout.

Sparklehorse - Junebug


Sparklhorse - Ghost Of His Smile


Sparklehorse - Maria's Little Elbows


Sparklehorse - Chaos Of The Galaxy / Happy Man


Sur l'album suivant, Sparklehorse poursuit son cheminement artistique et cette trajectoire logique qu'il avait entamée avec ses deux essais précédents. Sur sa troisième œuvre d'art, Linkous réagit aux critiques qui traitent sa musique de déprimante et leur livre un album d'une beauté irradiante, sous forme d'offrande - ce bouquet de fleurs de la pochette - accompagné de ce titre définitif: It's A Wonderful Life.
Musicalement, Linkous s'est ouvert au monde et a réussit à prendre son courage à deux mains pour inviter son idole, Tom Waits, à chanter sur le titre Dog Door. PJ Harvey, Nina Persson ou Vic Chesnutt (autre génie méconnu d'ailleurs) sont également de la fête, et le résultat est aussi impressionnant que sur les disques précédents. Sparklehorse a encore évolué pourtant: les violons, beaux et grinçants, omniprésents sur l'album, doivent suivre les visions de Linkous qui leur ordonne de jouer "comme ceux de l'orchestre du Titanic, qui continuaient à jouer alors que le paquebot s'enfonçait dans les eaux glaciales de l'Atlantique Nord".
L'aspect électronique est également plus présent, ainsi que les harmonies vocales divines. Notre homme daigne de moins en moins chanter à pleine voix, et préfère laisser la paroles aux autres, trafiquer sa voix ou chuchoter sur des compositions de plus en plus lentes et intimistes...

Sparklehorse - It's A Wonderful Life


Sparklehorse - Little Fat Baby


Sparklehorse - Apple Bed


Sparklehorse - Sea Of Teeth


Il s'agit là certainement de l'album le moins "commercial" de la discographie du groupe, et c'est pourtant celui qui restera le plus célèbre après coup. Le disque est à vrai dire souvent très noir et assez désespérant... D'une beauté désespérante, mais aussi d'une tristesse et d'un mal-être profond.
La douleur n'est plus ensoleillé comme avant. Elle ici enveloppée d'une brume épaisse et semble désormais sans issue ni espoir.
Après cet album, Linkous va plonger dans une profonde dépression qui l'éloignera du monde de la musique pour pas moins de 5 ans, ses amis les plus chers "mourant les uns après les autres" à cette période de sa vie, comme il le confessera plus tard... Et cinq ans, c'est long dans le monde de la musique.

Sparklehorse (& PJ Harvey) - Piano Fire


Sparklehorse (& Nina Persson) - Gold Day


Sparklehorse - More Yellow Birds


Sparklehorse - Comfort Me


Après It's A Wonderful Life, Linkous est donc au fond du trou, et ne trouve plus la force, ni le goût pour la vie, celui qui nous pousse à se lever le matin. De cette tristesse infinie résultera des chansons comme Return To Me, présentes sur le 4ème et dernier vrai album à part entière de Sparklehorse. L'album s'appelle Dreamt For Light Years In the Belly Of A Mountain et parait (finalement!) en 2006.

Les chansons ralenties et déprimées sont, comme d'habitude, associées à des compositions entraînantes et mélodiques, aux refrains évoquant la plus belle pop des 60's... Et puis toujours ce souci infernal du détail qui rendent ces 4 albums d'une richesse et d'une beauté qu'on ne cessera jamais de redécouvrir.

Sparklehorse - Return To Me


Sparklehorse - Some Sweet Day


Sparklehorse - Please Don't Take My Sunshine Away


Sparklehorse - Knives Of Summertime


De la langueur de Morning Hollow on navigue à la pop sidérante (et très Beatlessienne) de Some Sweet Day, comme si de rien n'était...
En fait Sparklehorse continue à faire du Sparklehorse, et on ne remerciera jamais assez le Seigneur pour cette galette, alors qu'après 5 ans d'attente tout semblait finit. Une fois encore, Linkous parvient à s'extirper des profondeurs de l'enfer pour nous raconter ses peines, ses blessures et ses joies avec une émotion pudique, parée de mille voiles.

Jamais plus on entendra musique si belle.

Sparklehorse - Morning Hollow


Sparklehorse - See The Light


Sparklehorse - It's Not So Hard


Sparklehorse - Dreamt For Light Years In The Belly Of A Mountain


Suite à ce retour, un disque en collaboration avec Danger Mouse et David Lynch verra le jour. Mais trop a déjà été dit sur ce projet dans la presse, aussi je préfère passer sous silence cet épisode qui finira de me faire haïr les majors et tout spécialement ces enfoirés de chez EMI.


L'épilogue de l'histoire a lieu un après-midi d'avril (le 6 avril 2010 pour être précis) à Knoxville, Tennessee. Linkous se réfugie à l'extérieur de la maison d'un de ses amis, où il résidait alors temporairement. Il connait alors de sérieux "problèmes familiaux et conjugaux". Toujours avec son revolver sur lui, Linkous sort alors son flingue, le dirige contre sa poitrine et se tire une balle en plein coeur. Quand les secours arrivent, Linkous est déclaré mort. Il ne laisse aucune note pour expliquer son geste.

Cette nouvelle m'a évidemment bouleversé plus qu'aucune autre. Comme l'impression de perdre un ami très proche que je n'aurais jamais eu l'occasion de rencontrer. Comme un puissant sentiment d'abandon, de colère et de tristesse qui prend à la gorge. En se suicidant, Linkous a laissé tomber tout ceux pour qui sa musique comptait réellement dans leurs vies. Et puis en même temps, il est simplement impossible de sincèrement lui en vouloir...

La veille de sa mort, lors d'une belle après-midi ensoleillée, j'avais joué Sad & Beautiful World à un ami à la guitare. Il a dit que c'était "très beau". Je lui ai rétorqué que c'était ma chanson préférée, et qu'un jour j'irai aux Etats-Unis s'il le faut pour voir Mark Linkous la jouer.
Le lendemain, l'âme de Sparklehorse n'était plus.

"There's a heaven and there's a star for you".

lundi 16 mai 2011

Oldies but Goodies! (2)

Pour ce soir, on commence avec la légende du blues Skip James!

L'homme à la vie rocambolesque (comme beaucoup de ses collègues à l'époque...), peut-être criminel, peut-être martyre, enregistre en février 1931 vingt-six morceaux d'une traite au cours d'une séance de nuit qui restera dans les annales. Personne n'est alors au courant, mais il s'agit là d'un des moments les plus cruciaux de toute l'histoire du blues...

Disparaissant totalement de la circulation pendant près de 30 ans(!), Skip James fait croire à un scénario à la Robert Johnson. Mais en 1964, la légende réapparait par miracle et est invitée à jouer au Newport Folk Festival. Devant un public de hippies médusé Skip James se tient droit et fier, élégant dans son beau costume et son chapeau melon, voix forte et distincte, jeu de guitare fluide.
Il leur interprète notamment son classique, une chanson à l'aura presque mystique et incantatoire, comme provenant des entrailles d'un peuple aux racines vaudou. I'd Rather Be The Devil sidère par la violence de son propos, hautement blasphématoire, et envoute l'auditeur sans crier gare. Il y a derrière cette chanson le poids des mots, le poids d'une vie passer à galérer et le poids d'une histoire que Skip James porte seul sur ses épaules.
Rarement on aura vu un artiste à la trajectoire aussi fulgurante.

Skip James - I'd Rather Be The Devil


On passe directement à tout autre chose: les girls-group! Avec certainement le plus adorable d'entre tous: les Shangri-La's, rivales des talentueuses Ronettes de Phil Spector. Tout ici évoque les premiers amours, l'innocence de la jeunesse et la joie de vivre. Les mélodies sont évidemment sublimes, tout comme les chœurs et les filles.
On en redemande!

The Shangri-La's - Give Him A Great Big Kiss


Enfin pour finir le plus tendre et le plus mélodique de tout les rockers 50's, certainement le premier chanteur pop de l'histoire, j'ai nommé Buddy Holly! Le jeune homme aux grosses lunettes, fauché en pleine gloire à seulement 23 ans, eut le temps lors de sa courte et brillante existence de publier d'innombrables chefs-d’œuvre légers et amoureux, incarnant avec une grâce salvatrice l'espoir et l'innocence si caractéristiques de son époque.

Voici donc son grand classique, Peggy Sue:

Buddy Holly - Peggy Sue

dimanche 15 mai 2011

Oldies but Goodies! (1)

J'inaugure une nouvelle rubrique qui a pour but de partager le plus souvent possible 3 "oldies" que j'adore (par "oldies" j'entends avant 1970). Peu de texte, cette rubrique est plus à prendre comme un petit bonus dans lequel vous (re)découvrirez peut-être une pépite lointaine, une vieille chanson oubliée (ou pas) qui pourra illuminer vos sombres existences. Tout les styles seront présents (rock'n'roll, soul, blues, etc...)

On va donc commencer avec Mahalia Jackson. La légende du gospel reprend ici, dans un hommage à Nat King Cole "Down By The Riverside". Ca se passe en 1957, et c'est court, net et précis. C'est surtout très beau:

Mahalia Jackson - Down By The Riverside


Maintenant le plus furieux et le plus violent de tout les rockers. J'ai nommé le killer... Jerry Lee Lewis! Avec une version extatique de son classique Whole Lotta Shakin' Going On. Là aussi ça se passe en 1957, et on se dit qu'on aimerait bien retrouver une telle énergie chez les apprentis rockers d'aujourd'hui...

Jerry Lee Lewis - Whole Lota Shakin' Going On


Enfin pour finir un vieux monsieur qui nous joue un blues particulièrement mélodique et doux, en fait plus proche du picking, du bluegrass et de la folk... Il s'agit de Mississipi John Hurt, qui connut une deuxième jeunesse quand les hippies remirent au goût du jour la "vraie" musique originelle du Delta. On a donc ici le grand Mississipi John Hurt invité chez Pete Seeger qui fait halluciner tout le monde par son talent et sa facilité. La vidéo ci-dessous:

Mississipi John Hurt - You Got To Walk That Lonesome Valley

samedi 14 mai 2011

Miracle Legion

Encore de grands oubliés de notre histoire musicale!

Miracle Legion est un humble groupe en provenance du Connecticut qui émerge en 1983. Fortement influencé par Big Star et surtout R.E.M. (car oui, il faut le rappeler, REM au début c'était bien), Miracle Legion publie en 1984 son 1er album, The Backyards, sur Rough Trade. Déjà sur ce premier jet on retrouve une maitrise impressionnante du rock tendre, de la pop simple, directe et pleine de refrains amoureux. C'est au fond un peu ce que réussiront aussi à faire plus tard les meilleurs groupes twee-pop (dont les sublimissimes et méconnus Field Mice que je vous recommande très chaudement).

Les paroles sont remplies de poésie à fleur de peau. On parle ici de cœur brisé, on danse sous la pluie, on s'embrasse pour la première fois. Tout est assez pur en fait, trève de cynisme et de méchanceté!

En 1987 parait Surprise Surprise, qui ne parviendra toujours pas à sortir le groupe de son anonymat. Pourtant la galette est encore une fois blindée de très belles mélodies. On retiendra particulièrement la fulgurante All For The Best, sommet d'émotion incomparable, reprise de manière intéressante par Thom Yorke 20 ans plus tard.

En 1989 c'est au tour du chef-d’œuvre: Me and Mr Ray, considéré par la plupart des connaisseurs comme ce qu'a fait de mieux le groupe de Mark Mulcahy. Se réconciliant avec ses influences folk, notamment Nick Drake, Miracle Legion accouche ici d'un disque particulièrement beau et attachant.

Finalement en 1992 parait le dernier grand album du groupe, Drenched. Et c'est là qu'on se demande très sérieusement comment un groupe qui a publié 4 albums pop d'une telle beauté ait pu rester aussi inconnu? C'est au fond tellement injuste que c’en devient presque insupportable, surtout si on se souvient qui caracolait en tête des charts à l'époque...

Par la suite Mulcahy partira former les très bons Polaris, puis poursuivra une carrière solo.

Et puis en 2009, suite à la mort tragique de sa femme et en soutien à cet artiste unique qu'est Mark Mulcahy, est publié un album de reprises de ses chansons (particulièrement de Miracle Legion), où l'on retrouve les admirateurs du bonhomme: Dinosaur Jr, Michael Stipe de REM, The National, Thom Yorke, Vic Chesnutt, Elvis Perkins, Mercury Rev, Ben Kweller,... Rien que ça!
Ca s'appelle Ciao My Shining Star: The Songs of Mark Mulcahy, et on ne remerciera jamais assez ceux qui ont eu l'idée de cet hommage. C'est d'abord très beau, et puis ça a permis de faire connaitre un peu Miracle Legion à un public plus large et de venir en aide à un artiste qui vit des temps difficiles.

"It just started to rain but I'm already drenched".

Ci-dessous, la sublimissime You're The One Lee, l'une des plus belles chansons d'amour jamais composée.

Miracle Legion - You're The One Lee

dimanche 8 mai 2011

The Magnetic Fields

Stephin Merritt, le leader maximo des Magnetic Fields, restera certainement pour les futures générations l'un des plus grands architectes pop de notre époque.
Qu'il soit assez largement ignoré par la presse actuelle et le public ne compte donc pas vraiment; le temps fera son œuvre, on n'en doute point.

Merritt à vrai dire est un personnage assez particulier dans le monde musical. Un original refusant de se plier aux règles, notoirement insupportable dans la vie civile, tyran déprimé et méprisant, capricieux et détesté par nombre de ses proches. Homosexuel, souffrant d'hyperacousie, particulièrement solitaire, l'homme a peu d'égards pour ce bas monde. Bob Mould répondait d'ailleurs à un interviewer qui l'affublait du titre de "most depressed man in rock'n'roll" par un cinglant "You've never met Stephin Merritt obviously".
Aussi original et inclassable qu'il soit, Merritt n'en reste pas moins un artiste avec une vraie vision. Un artiste qui veut user de ses dons pour atteindre l'orgasme pop ultime, celui dont on ne reviendrait jamais. Toute sa vie, surtout à partir de 69 Love Songs, semble tendre vers cet objectif unique.

C'est à la fin des années 90 que les Magnetic Fields commencent a faire parler d'eux: en 1999 paraît le triple album 69 Love Songs, qui contient, comme son nom l'indique, 69 (!) chansons d'amour... Et c'est un monument de pop bigarrée, mélodique et inventive. Une encyclopédie de la pop telle qu'elle devrait être de nos jours: moderne, symphonique et jamais redondante. Tendu vers son objectif, sûr de son fait, Merritt ne lâche prise à aucun moment. Sur ce triple-album tout y est: la voix de barriton de Stephin Merrit, les histoires d'amour comico-tragiques, l'emphase des grandes ballades... Tout ce qui nous fera adorer les Magnetic Fields pour l'éternité.
On aperçoit ici avec plaisir des influences qu'on entend nulle part ailleurs dans le monde de la musique indépendante, notamment celle de la grande pop orchestrale américaine, méprisée et piétinée par des décennies de rebelle-attitude rock: Cab Calloway, Burt Bacharach, Buddy Holly, Scott Walker, Roy Orbison,...

Le tout est joué avec la quasi-intégralité des instruments de la création, mais toujours avec des éléments qui ancrent cette musique dans le présent: synthétiseurs, guitares électriques, éléments électroniques...

Stephin Merritt continuera par la suite à creuser son magnifique sillon pop en publiant une série de trois disques dont le synthétiseur est exclu. On commencera avec i en 2004, Distorsion en 2008, sublime disque fortement influencé par les Jesus & Mary Chain, et Realism en 2009, beaucoup plus acoustique cette fois.
Mais la formule magique ne change pas: les paroles ironiques, douces puis amères, la maîtrise et la diversité hallucinante des instruments, les clavecins, les banjos, les violons, les orgues, le piano, le violoncelle et les trompettes se réunissant pour danser ensembles dans une grande orgie pop... Sans oublier ces chœurs et ces voix merveilleuses fondus dans des écrins mélodiques tutoyant la perfection...

Ces 4 très recommandables albums sont tous audibles en intégralité sur Deezer.

Et voici un extrait du dernier album, Realism. Ca s'appelle You Must Be Out Of Your Mind et les textes sont ici d'une méchanceté incroyable! Dylan est un enfant de cœur à côté:
"Why would I want to talk to you? I want you crawling back to me, down on your knees. (...) You can't just go 'round and say stuff because it's pretty, and I no longer drink enough to think you're witty"...


The Magnetic Fields - You Must Be Out Of Your Mind

samedi 7 mai 2011

Yo La Tengo

Aujourd'hui, Yo La Tengo!

Ce groupe bénéficie d'un statut culte dans le monde du rock indé et pour cause: malgré leurs personnalités introverties, les petits gars de Yo La Tengo sont responsables depuis 1984 de dizaines d'albums fondateurs couvrant à peu près tout les styles possibles et imaginables: punk, country, folk, rock noise, hardcore, pop...
Avec les Butthole Surfers ils sont certainement les plus fous des groupes indés de l'époque, n'ayant peur de rien et de personne (et certainement pas des majors), allant systématiquement là où on ne les attendait pas.
Le groupe rencontra donc un succès plutôt limité, mais les critiques ne cesseront au cours des années de défendre ce groupe unique. Yo La Tengo a d'ailleurs souvent été surnommé "the quintessential critics' band", ce n'est pas anodin!

A l'aube des années 2000 le groupe a cependant commencé à se calmer, publiant un sublimissime album de "dream-pop": And Then Nothing Turned Itself Inside Down.
Le chant murmuré, les rythmes apaisés et les images mélancoliques évoquent fortement Sparklehorse à vrai dire, qui deux ans auparavant publiait l'éternel Good Morning Spider, ainsi que la pop divine et immaculée de Galaxie 500.
A sa publication cet essai a en fait beaucoup surpris par sa beauté: qui pensait en effet que ce vieux groupe de rock indé serait capable de sortir un disque d'une telle cohérence? Alors que les plus belles années du groupe sont déjà bien loins, Yo La Tengo parait plus à propos que jamais; Spiritualized notamment est passé par là.

Ce disque sera toujours pour moi celui des souvenirs des longues nuits moites d'été, celui de la langueur et de la mélancolie des après-midi ensoleillés passés à rêvasser et à parler de l'avenir. C'est un album hors du temps et des modes comme on les aime, n'appartenant à aucun mouvement, exaltant une musique authentique et entière.

L'album est écoutable en intégralité sur deezer:
http://www.deezer.com/fr/music/yo-la-tengo/and-then-nothing-turned-itself-inside-out-106181#music/yo-la-tengo/and-then-nothing-turned-itself-inside-out-106181

Et voici un extrait:

Yo La Tengo - Our Way To Fall

vendredi 6 mai 2011

Surf music is back!

On osait plus y croire, et pourtant depuis 2008, une flopée de groupes venus tout droit de Californie ne cessent de l'affirmer : le surf est de retour!
Au sein de ce revival surf il y a une richesse et une diversité assez impressionnante à vrai dire : des groupes sont très axés songwriting pop (Girls, The Morning Benders,...), certains sont plus tournés girls groups 60's et shoegaze (Best Coast, Dum Dum Girls, Vivian Girls), pour d'autres c'est le rock garage Lo-Fi (Ty Segall, The Black Lips, King Khan, le précurseur Jay Reatard,...), il y en a c'est la twee-pop (The Pains Of Being Pure At Heart) enfin d'autres encore préfèrent l'indie rock 80's et 90's (Wavves, Yuck,...).

Mais tout ces groupes ont en commun un amour invétéré pour le mythe Californien, les plages, le soleil, le surf,... Remettant au goût du jour des thèmes au centre des chansons de groupes d'il y a 50 ans. Les Beach Boys chantaient avec entrain les joies du surf et les amourettes futiles avec un sens de la mélodie inné, ces groupes là, à leur niveau, font de même.
Et puis on avait plus eu un rock aussi cool et détendu depuis les bons vieux Dinosaur Jr, Pavement, Sebadoh, Teenage Fanclub qui nous auront longtemps manqué et dont l'héritage est loin d'assombrir la brillante génération actuelle. Ces groupes savent user de leurs influences avec modération et bon goût, modernisant le propos avec des productions plus au goût du jour.

Brève présentation des groupes les plus excitants du mouvement.

Best Coast

Betthany Constantino et son Best Coast sont peut-être ceux qui ont signés, avec leur Crazy For You, le disque ultime ultime de ce revival surf. Poussant au paroxysme la simplification des paroles et des mélodies, Best Coast ne produit ni plus ni moins qu'un manifeste générationnel enthousiasmant, remplit de mélodies inoubliables toujours au service de l'émotion la plus brute, la plus simple et donc la plus forte.

Il n'y a qu'à écouter Sun Was High (So Was I) pour se dire qu'il y a définitivement du génie chez la dame Constantino: sur deux accords, pas plus, et un refrain scandé tout le long de la chanson ("I thought of you"), Best Coast parvient à émouvoir plus que de raison, reléguant très loin les autres productions de l'année. Un internaute éclairé a eu l'idée brillante de coupler la chanson à des scènes du film Un Homme Une Femme de Lelouch... Le résultat divin est ci-dessous:

Best Coast - Sun Was High


Avec des compositions tour à tour mélancoliques, lumineuses, ensoleillées et insouciantes, Best Coast donne une impression de facilité assez déconcertante, comme si les mélodies envoyées à la face de l'auditeur existaient depuis toujours et qu'il aurait suffit de les ramasser...

Les autres chansons inoubliables de Best Coast:

Best Coast - Boyfriend


Best Coast - When I'm With You


Best Coast - Crazy For You


Best Coast - Our Deal



Wavves

Nathan Williams, le jeune fumeur de joint à la tête de Wavves, se trouve être le petit copain de Bethany Constantino, la leader de Best Coast... Pas étonnant quand on voit leur goût commun pour la plage, la junk food, la Californie, les cartoons, les chats et la fumette...
Au final ces deux tourtereaux sont sans doutes les plus grands espoirs du rock indépendant tendance mélodique et saturé d'aujourd'hui. Ça peut sembler inquiétant dit comme ça, mais en même temps on se rappelle qu'il fut un temps bénie où les plus hauts espoirs de l'indie rock étaient placés dans les glandeurs magnifiques de chez Pavement ou Dinosaur Jr, alors bon...

La musique de Wavves est authentique et le mode opératoire n'est pas sans rappeler Dan Johnston: ses deux premiers albums auto-produits ont été enregistrés dans le garage familial.

Dès le deuxième album, Wavvves avec 3 "v", le groupe (ou plutôt Nathan Williams) pondait déjà quelques unes des meilleures chansons de la fin de décennie, comme la sublime, distordue et désespérée No Hope Kids, ou l'hymne adolescent So Bored... Rares sont les groupes aussi bruyants à accoucher de chansons aussi belles et touchantes. Derrière tout ce bruit il y a en fait une émotion brute, des mélodies sublimes et des paroles profondément honnêtes... A écouter avec attention:

Wavves - No Hope Kids


Wavves - So Bored


Wavves - So Bored (Acoustic)


Wavves - To The Dregs


Sur le dernier album en date, King Of The Beach, Wavves a décidé de lâcher du lest sur le côté ultra Lo-Fi afin de produire en studio un son un plus poli et plus acceptable aux oreilles non averties. La qualité des mélodies n'en pâtit pas pour autant:

Wavves - King Of The Beach


Wavves - Post Acid


Wavves - Green Eyes



Les "présentations" de Ty Segall, Jay Reatard, Girls, Pains Of Being Pure At Heart, Morning Benders et Yuck à venir... Petite sélection en attendant:

Ty Segall - My Sunshine


The Pains Of Being Pure At Heart - Young Adult Friction


Jay Reatard - It Ain't Gonna Save Me


Yuck - Georgia


Girls - Lust For Life


Girls - Hellhole Ratrace


The Morning Benders - Excuses


Yuck - Rubber


Jay Reatard - See/Saw


The Pains Of Being Pure At Heart - Belong

mercredi 4 mai 2011

Bright Eyes

Aujourd'hui un des songwriters les plus tristes et les plus doués de ces 10 dernières années. Actif depuis l'âge de 13ans(!), le petit génie Conor Oberst publie dans son adolescence d'innombrables disques sous divers noms (le principal devenant Bright Eyes) et se forge une réputation de chanteur et de compositeur dépressif, le tremolo exagéré, flirtant avec l'"émo", hurlant son désespoir sur des compositons très lo-fi...
Quelques unes de ses meilleures chansons de ses très jeunes années seront compilées sur l'album "A Collection Of Songs Written And Recorded 1995 - 1997".

Comme on pouvait s'en douter, le garçon n'est pas allé très loin comme ça, même s'il aura signé quelques très bonnes et honnêtes chansons (Saturday As Usual, Lila etc...)

Bright Eyes - Saturday As Usual


Bright Eyes - Lila


En 1998 et 2000, Oberst publie deux albums très sombres et assez oppressants, Letting Of The Happiness et Fevers And Mirrors, qui contiennent chacuns leurs lots de très bonnes chansons, Fevers étant quand même largement meilleur.

Brigh Eyes - If Winter Ends


Bright Eyes - An Attempt To Tip The Scales


Mais c'est avec Lifted qu'il livre son premier recueil de très haut niveau. Le son est encore très lo-fi, l'emphase dans le désespoir très présente, mais il y a ici une diversité de chansons qui nous laisse respirer et nous permet d'apprécier pleinement des complaintes comme Waste of Paint, aux paroles terribles ou la très très personnelle You Will. You? Will. On a rarement atteint de tels sommets d'émotion...

Bright Eyes - You Will. You? Will. You? Will.


Bright Eyes - Waste Of Paint (Live) (La version live est meilleure)


Alors qu'on pensait qu'Oberst avait atteint le sommet de son art avec Lifted, il dépasse en fait largement cet album avec le suivant, I'm Wide Awake, It's Morning, bien plus apaisé et mieux enregistré que ses précédents. Un album que j'ai écouté des milliers de fois à vrai dire...
Oberst s'inscrit ici dans la grande tradition des songwriters folk américains, Bob Dylan, Neil Young, Nick Drake, Will Oldham, Elliott Smith,... Les mélodies sont hallucinantes tout au long du disque qui ne compte pas une fausse à note. Les paroles sortent de l'intimité pour s'ouvrir au monde et parler de la guerre, de la révolution, se faisant militantes sur certaines compositions. Le niveau d'écriture est tout simplement magistral.
Du coup je ne peux pas faire autrement que de mettre les vidéos de 7 morceaux de cet album qui a tellement compté pour moi...

Bright Eyes - At The Bottom Of Everything


Bright Eyes - First Day Of My Life


Bright Eyes - Lua


Brigh Eyes - We Are Nowhere And It's Now


Bright Eyes - Landlocked Blues


Bright Eyes - Poison Oak


Bright Eyes - Road To Joy


Cependant le véritable exploit est d'avoir publié en même temps qu'I'm Wide Awake un autre disque totalement délectable mais dans un style diamétralement opposé. Là où le classicisme d'I'm Wide Awake reposait sur des guitares acoustiques, A Digital Ash In A Digital Urn se base avant tout sur des synthétiseurs!
Il en résulte un album assez sombre, plus proche des Cure ou de New Order cette fois, dont on redécouvre la richesse à chaque écoute. Il y a quelque chose de fascinant dans cette galette, un goût de reviens-y...
Et encore la virtuosité de l'écriture sur la désespérante Easy/Lucky/Free:

Bright Eyes - Easy/Lucky/Free


Suite à ce coup de maître on se demandait bien ce que pouvait faire Conor Oberst... La réponse est un autre disque hallucinant de beauté. Continuant sa trajectoire artistique, Cassadega peut compter sur un son sublime, poli, aidé de violons soyeux et de choeurs biens sentis sur de nombreux titres. Les arrangements touchent au divin sur cet album à vrai dire, le son est proche de l'orgasme auditif, alors qu'il était si Lo-Fi 5 ans auparavant... Cassadega est un voyage, un rêve, une expériece mystique...
C'est peut-être moins personnel qu'I'm Wide Awake, It's Morning, qui aura toujours une place particulière dans mon coeur, mais on est néanmoins en présence d'une oeuvre d'une beauté renversante.

Avec Four Winds, tout violons dehors, jamais on aura entendue une si belle attaque contre la religion... Les paroles sont salvatrices, enfin quelqu'un qui ose dire les choses!
"Your class, your caste, your country, sect, your name or your tribe, there's people always dying trying to keep them alive. (...) The Bible is blind, The Torah is deaf, the Coran is mute, if you burn them all together you'd be close to the truth!"

Bright Eyes - Four Winds


Bright Eyes - I Must Belong Somewhere


Bright Eyes - No One Would Riot For Less


Bright Eyes - Lime Tree

lundi 2 mai 2011

The Eyes

Alors là, j'avoue sans aucune honte que je n'aurais jamais déniché ce groupe tout seul. A vrai dire peu de gens en auraient été capables: The Eyes n'a existé que l'espace de trois ans (de 1965 à 1968) et a eu le temps de publier à peine 8 morceaux (!), dont deux reprises... Rien de plus.

Pourquoi parle-t-on donc d'un groupe aussi insignifiant, qui soit dit-en passant n'a eu absolument aucun succès ni aucune reconnaissance en son temps???
Hé bien il se trouve que les 8 morceaux en question sont tous méchamment bons... Tous sans exception.

On peut donc remercier chaleureusement les compilations Nuggets pour ses innombrables services rendus à la cause rock'n'roll, et pour nous avoir déterré cette pierre précieuse oubliée des 60's. Au passage, si vous ne connaissez pas les compilations Nuggets et que vous aimez le rock mod, garage, psyché et r&b du début et milieu des 60's, foncez les yeux fermés, vous n'en reviendrez pas vos oreilles.

Le son garage-mod des Eyes rappelle à vrai dire fortement celui des Kinks première période ainsi que celui des Who quand ils n'avaient pas encore sombré dans l'opéra-rock. Le chanteur a une voix crâneuse et arrogante au timbre absolument parfait pour le genre qu'ils pratiquent, et les 5 membres ont, pour couronner le tout, la classe absolue.

Voilà donc pour ce soir une des rares chansons des Eyes: la contagieuse I'm Rowed Out... Alors bien sûr ce morceau n'est pas sans rappeler dans la forme la fameuse I Can't Explain des Who. Cependant, sans vouloir commettre de crime de lès-majesté ni nier le talent infini des Who, mais quand même, on pense être en droit d'affirmer qu'on trouve I'm Rowed Out encore meilleure que le classique de Townshend. Et en plus le clip est parfait... Que demander de plus?

The Eyes - I'm Rowed Out

dimanche 1 mai 2011

Flotation Toy Warning

Un album, un joyau, et puis plus rien...
En 2004 ce groupe alors inconnu au bataillon publiait un album d'une splendeur absolue, beau, orchestrée et onirique comme aux plus belles heures de Sparklehorse, Grandaddy, Mercury Rev, Spiritualized ou Flaming Lips, tout ces groupes passionnants qui distillaient leur pop rêveuse depuis le milieu des années 90 pour les plus vieux.

Si Spiritualized et les Flaming Lips évoquaient dans des styles différents l'espace intergalactique, Grandaddy les grandes plaines et les forêts, Mercury Rev les déserts et Sparklehorse les souvenirs d'enfance enfouis, Flotation Toy Warning évoquent quant à eux les infinies étendues bleues, l'océan beau et menaçant, les explorateurs oubliés du 18ème siècle qui partaient à l'abordage des eaux arctiques dans des contrées inconnues, la mélancolie des histoires de Jules Verne, les vieux capitaines aigris qui, à la tête de leurs navires chancelants, noient leurs désespoirs dans l'alcool,... Ce Bluffer's Guide To The Flight Deck c'est tout ça et bien plus encore, Flotation Toy Warning publiant ici un album passionnant de bout en bout, un voyage qui fait tourner la tête et oublier le quotidien morne et gris.
Mêlant expérimentations sonores, chœurs grandiloquents, collages sonores, violons aériens et mélodies inoubliables, ce disque atteint son but aisément, un but finalement assez simple mais souvent très difficile à pleinement réussir : nous faire voyager dans un environnement et une atmosphère totalement cohérente tout le long de l'album.

Et puis, des années durant l'auditeur avertis a attendu fébrilement une suite à ce coup d'éclat... Mais il n'en fut rien. Disparaissant comme il était venu, le groupe ne donne plus de nouvelles et fait croire à un rêve éveillé...
Jusqu'à cette année puisqu'après plus de 6 ans d'attente, Flotation Toy Warning a annoncé la sortie d'un deuxième album! Alléluia mes frères!

Le lien pour écouter l'album en entier sur Deezer:
http://www.deezer.com/fr/#music/flotation-toy-warning/bluffer-s-guide-to-the-flight-deck-42912

Extrait:

Flotation Toy Warning - Donald Pleasance