mercredi 22 juin 2011

Cults - Cults

L'année dernière ce groupe nous avait sidéré.

Sortant littéralement de nulle part, les Cults émergeaient avec un bijou étincelant, un chef d’œuvre de perfection mélodique à la beauté rare: la chanson Go Outside, qui fit tourner la tête des bloggers du monde entier avant d'être récupérée par Pitchfork et d'autres magazines "hype"... Pour une entrée matière, ce fut en tout cas un triomphe.
"Go Outside" était alors proposée gratuitement sur Internet sur un petit EP de 3 chansons d'une grâce infinie.
Depuis il est donc peu dire que le temps fut long, à attendre pendant un an une hypothétique quatrième chanson, un album, un signe, quelque chose quoi... On ne peut pas juste mettre une branlée à tout le monde comme ça et puis repartir à peine la démonstration de force commencée...

Et puis voilà l'album éponyme qui débarque enfin. L'appréhension était grande, mais elle s'est évanouit dés les premières notes de la formidable Abducted. Les doutes laissent immédiatement place à l'enthousiasme pour ces mélodies légères et cette production faramineuse... Les samples de discours sont biens là, la superbe voix de Madeline Follin aussi, les rythmes flirtent avec le hip-hop... Mais surtout, ce qui est avant tout hallucinant là-dedans, ces mélodies... Merde comment font-ils??? Certains passent toute leur vie à poursuivre ce genre d'idéaux pop sans jamais les atteindre... Et eux font ça avec tant de facilité et de fraicheur!

Que ce soit sur le slow radieux "You Know What I Mean", la divine "Most Wanted" ou l'ultime "Bumper" (qui s'inspire tout naturellement de Give Him A Great Big Kiss des Shangri-La's) on sent avec joie l'influence prégnante des girls-groups des années 60, cette époque où d'innocentes, belles et enthousiastes jeunes filles chantaient quelques unes des plus belles mélodies à avoir jamais été conçues sur Terre, des Shangri-La's jusqu'aux Ronettes en passant par Lesley Gore et les Supremes.
La nouvelle génération, et c'est une vraie preuve de bon goût, s'approprie chaque jour d'avantage cet héritage trop longtemps dénigré. Parmi les tout meilleurs groupes actuels on en compte au moins deux ou trois chez lesquels l'influence est primordiale (Best Coast, Cults, Vivian Girls,...) et des dizaines d'autres où elle est plus discrète mais profondément ancrée dans l'approche mélodique (Girls, Wavves, Morning Benders,...).

Pour ne rien gâcher la production est évidemment sublime. Légèrement lo-fi, elle laisse l'écho s'exprimer dans les voix et met en valeur la moindre contribution instrumentale. Des subtiles carillons aux xylophones, tout ici sonne incroyablement bien.

Il ne nous donc reste plus qu'à attendre et à voir maintenant... Le monde va-t-il se rendre compte du génie de ce duo, ou va-t-il faire de cet album un nouveau joyau oublié? Seul l'avenir nous le dira...

Dors et déjà mon album de l'année en tout cas.

Cults - Go Outside


Cults - You Know What I Mean


Cults - Abducted


Cults - Bumper


Cults - Oh My God


L'album est audible dans son intégralité sur Deezer. Précipitez-vous!

vendredi 17 juin 2011

Deerhunter

En voilà un groupe bien singulier...

Deerhunter, joujou de Bradford Cox (également leader d'Atlas Sound), peut-être bien l'un des derniers grands. Un illuminé, un vrai, quelqu'un de fondamentalement différent avec une vision et une vocation. Loin de l'opportunisme ambiant et de la branchitude indé, Bradford Cox est un artiste à part entière, dans le sens le plus romantique et le plus noble du terme.

Atteint du syndrome de Marfan, les traits et la carrure de Cox sont assez impressionnants à vrai dire. Laissé plus ou moins à l'abandon par ses parents divorcés dans une grande maison de banlieue, Bradford Cox grandit seul, totalement isolé. La maladie le tient à l'écart de ses camarades, il s'identifie à Edouard aux Mains d'Argent, découvre sa tendance à l'homosexualité et passe des journées seuls à écouter la musique qui exprimerait le mieux la mélancolie, la nostalgie et la tristesse qu'il ressent dans son cœur (Stereolab fait partie de ses préférés).

Loin de virer dans le misérabilisme, Bradford Cox tente de trouver les sons qui transcenderaient son existence et lui permettraient de s'évader de sa morne vie. Il expérimente et compose parce qu'il en a réellement besoin pour vivre, ce qui le rend fondamentalement différent de tout les soit-disant artistes qui ne voient dans la musique qu'un simple "loisir" passagé. L'enjeu est tout autre chez Cox.

Ce faisant le jeune homme va former Deerhunter dès 2001. L'histoire commence tragiquement puisqu'en 2004 le bassiste du groupe, Joshua Fauver, meurt lors d'un accident de skateboard... S'en suit en 2005 la sortie du premier album du groupe, Turn It Up Faggot, évidemment accouché dans des conditions terribles et décrit par le groupe lui-même comme "saturé de négativité et de mauvaises vibes".
En 2007 et 2008 paraissent tout de même les deux albums qui populariseront le groupe dans le monde du rock indé: les très bons Cryptograms et Microcastle, s'orientant alors vers une musique plus pop et accessible qu'auparavant. Ils collaborent par la même occasion avec Jay Reatard sur Fluorescent Grey et s'attirent plutôt logiquement une solide réputation grâce à leurs chansons comateuses hautement hypnotiques et leurs excellentes prestations scéniques.

En fait ce qui est bien avec Deerhunter c'est que les expérimentations les plus osées ne sont désormais plus synonymes de bâillements polis. Comme si les escapades aventureuses de Sonic Youth étaient remises au goût du jour, napées sous de belles mélodies et servis avec un fort accent psychédélique... Du coup c'est presque Teen Age Riot tout les jours, et on ne peut que s'en réjouir.

Utilisant les courants de conscience pour écrire ses paroles (sorte d'écriture automatique, Cox n'écrivant jamais ses paroles en avance), Bradford Cox compose de sublimes chansons qui ne ressemblent à rien de connu, en adéquation totale avec ce destin de génie mal-aimé qu'il cultive bien involontairement.

Mais c'est avec la parution en 2010 de son dernier joyau en date que l'homme atteint un sommet inégalable. En pleine possession de ses moyens, résolu à laisser le temps aux mélodies les plus gracieuses de s'exprimer et d'envahir toute l'âme de l'auditeur, Deerhunter a produit un véritable chef-d’œuvre qui, on n'en doute pas, restera comme l'un des plus beaux instants musicaux de notre temps.

Halcyon Digest, c'est le nom de l'album, se savoure comme les grands albums d’antan, incompréhensibles au premier abord, trop grand, trop majestueux, trop différent... Et puis la magie opère, le temps fait son œuvre et révèle toute la splendeur de la musique. Les grandes envolées lyriques se font dans des cathédrales sonores impensables pendant que la voix détachée en écho de Cox survole l'ensemble...

Pourtant le tout est étonnamment contenu dans un cadre relativement pop: les chansons sont longues mais les mélodies sont là et bien là. Tout ici est en fait assez passionnant et on n'a pas le temps de s'ennuyer une minute. Les structures sont alambiquées, les textures et la production hyper-travaillées, comme ces carillons lointains et saturés qui résonnent dans "He Would Have Laughed"... Du coup on ne cesse de découvrir la richesse infinie de cette musique...
On se perd littéralement dans les dédales de ces chansons, on peut y revenir des dizaines de fois et découvrir à chaque fois de nouvelles subtilités. A en devenir fou vous dis-je.

Ce faisant Halcyon Digest est donc: mélodique, accessible mais loin d'être vendu, complexe, subtil, remplit d'émotions, riche et passionnant. Que demander de plus?

Une apothéose quoi.


Deerhunter - He Would Have Laughed (Hommage à l'ami Jay Reatard, décédé peu de temps avant...)


Deerhunter - Helicopter


Deerhunter - Desire Lines


A voir aussi absolument les live hallucinants du groupe... Comme celui-ci:

Deerhunter - Helicopter / He Would Have Laughed (Live)

mercredi 15 juin 2011

Paul Baribeau

Si le mouvement antifolk fit quelques heureux (on pense bien sûr aux Moldy Peaches, à Adam Green, à Kimya Dawson, à Juno, tout ça tout ça), il laissa cependant derrière lui de nombreux trésors.
Parmi eux, le génie absolu de Jeffrey Lewis évidemment, mais ce n'est pas tout. Il y avait aussi le trop peu reconnu Paul Baribeau.
L'homme à vrai dire colle parfaitement aux canons du genre: des textes éminemment honnêtes et personnels, teintés d'humour et de désespoir, un jeu de guitare basique (mais diablement efficace), de belles mélodies toutes simples et naïves. Et puis toujours cette émotion à fleur de peau qui vous prend à la gorge...
Paul Baribeau, grand barbu en short qui ressemble plus à un randonneur égaré qu'à un artiste antifolk, est en fait actif depuis début 2004 (niveau discographique). Ce qui lui a a laissé le temps de s'attirer les faveurs d'un public ultra-fidèle qui à chaque concert reprend en cœur la moindre de ses ritournelles comme s'il s'agissait d'un tube intersidéral.
Il faut avouer que ses petites chansons toutes courtes sont des condensés d'émotion qui vous sautent à la figure les premiers accords à peine grattés. En deux minutes chrono Baribeau a le temps de vous raconter l'alcoolisme de sa mère, son désespoir quand sa copine l'a largué, son amour éternel pour cette fille qui en aime un autre et ses rêves d'avenir... On en ressort orphelin de tout cynisme, enfin libéré de tout les faux-semblants. Une sympathie infinie s'installe alors pour l'auteur de ces missives, comme à un ami qui nous ouvre son cœur et parait soudain si proche et si semblable...

Les compositions de notre homme se savourent comme des petits bonbons tour à tour sucrés ou amers, ravissant le palais puis laissant irrémédiablement sur sa faim...

Rarement en tout cas on aura entendu quelqu'un sonner si vrai.
Kimya Dawson, une femme intelligente, confia qu'elle ne put s'empêcher de pleurer la première fois qu'elle entendue "Never Get To Know"... On la comprend tellement.
Pour que vous compreniez aussi, les paroles de la chanson, puis quelques extraits:

I'll never get to know my friend Steven
He thought he found an answer
He was my firend since kindergarden
And then I watched him disappear.

I'll never get to know my friend Mellisa
She had a baby when she was sixteen
And now she works in a mall in Florida
Sometimes I wonder who she could have been.

I'll never get to know my mom's friend Bonnie
She's the one who made me want to be an artist
She could paint the prettiest pictures
until both her lungs collapsed.

I'll never get to know my mom's friend Harry
He had a low scrattchy growl of a voice
He sing 'make me an angel that flies from montgomery'
And then he drank himself to death

I'll never get to know my sister
Because my sister is a crack head
But thank God I remember
When she was just a little kid

I'll never get to know my dad
Because my dad lives in a dream
And even though I think he's the best
He seems so far from everything

And I'll never get to know my mom
Because my mom is an alcholic
And I bet when she was young
She never saw it coming

Now you might wonder why I'm an asshole
You might wonder why I'm so uptight
You might wonder why I just don't chill out
And learn how to have a good time
Well, sometimes I'm scared right out of my mind
And sometimes I just get angry
Because I've been let down by the people that I love
But I will not let down the people who love me.


Paul Baribeau - Never Get To Know (Live)


Paul Baribeau - Brown Brown Brown (Live)


Paul Baribeau - Rolling Clouds (Live)


Enfin une des plus belles chansons d'amour de tout les temps: Strawberry de Paul Baribeau:

Paul Baribeau - Strawberry (Live)

dimanche 12 juin 2011

Ali Farka Toure & Toumani Diabate

Si la musique africaine regorge de trésors, elle n'en reste pas moins ici résumée à d'affreux clichés. L'Europe et la France auront retenu, avec l'émergence de l'abominable "World Music" dans les années 80, ces tubes "dansants" ridicules, pire que la pire production 80's signée George Michael, pleine de synthés dégoulinants et de lourdes basses, rappelant plus la mauvaise disco qu'autre chose. Le Brésil ou le Mali seront dès lors sur la carte du marché du disque, mais pour de très mauvaises raisons.

Parmi la musique authentique qui a su résister aux influences néfastes de la musique prête-à-jeter, il y évidemment eu le grand Ali Farka Toure. Lui a su s'ouvrir aux bonnes personnes aux bons moments: on pense bien sur à sa superbe collaboration avec Ry Cooder, ou son alliance avec le blues du génial Taj Mahal. Farka Toure relève les points de liaisons entre ces styles et les marient avec brio, et du coup le résultat sonne bien mieux que la fusion poussive de la "musique du monde".

Pour l'album dont on va vous parler ici, le vieux malien a encore sélectionné son acolyte avec soin: c'est avec son flamboyant compatriote Toumani Diabaté qu'il choisit de travailler en 2005 pour un disque exceptionnel, In The Heart Of The Moon. Diabaté est à la kora, Toure à la guitare, et la magie opère.
Le chant est à peine présent, l'album est essentiellement instrumental, le tout est joué avec des instruments tout à fait traditionnels, et on est sidéré par la cohérence et la magie de cette galette. Enfin un album moderne où on laisse le temps à la musique de respirer, on ne se presse pas, on laisse les ambiances et les atmosphères embaumer l'air et imprégner l'auditeur jusqu'à la moelle.
On pense ici à tout ce Mali fantasmagorique, aux grandes étendues arides, au désert Saharien, à l'espoir, aux doux souvenirs d'enfance, aux oasis, aux villages... Ce n'est pas qu'une simple rencontre, c'est un voyage initiatique qui transpire le Mali de tout ses pores qui est proposé ici.

La guitare de l'ancien est limite blues et la kora de Diabaté se révèle d'une finesse et d'une richesse assez incroyable. La kora tresse et enjolive de sublimes toiles de fonds tandis que la guitare de l'ancien bâtit et affirme les mélodies. Il en ressort au final une musique profondément émouvante, humaine et africaine.

Mais rien ne sert de trop en parler. Il suffit de tendre l'oreille:

Ali Farka Toure & Toumani Diabaté - Kaira


Ali Farka Toure & Toumani Diabaté - Debe


Ali Farka Toure - Gomni!

lundi 6 juin 2011

The La's

Certains les appellent les "parrains de la brit-pop". Ils sont adulés à la fois par Pete Doherty, Morrissey et Noel Gallagher, qui dit de son leader qu'il est "certainement le songwriter le plus doué de notre génération"...
Non on ne parle pas des Jam, ni même des Stone Roses... Mais bien des La's, groupe fondateur mené par un illuminé tendance excentrique, Lee Mavers, responsable d'un unique album éponyme, publié en 1990.

Avec cette galette mythique, les troupes de Mavers réussissent à faire le lien entre les différents courants qui tiraillent la pop anglaise à la fin des années 80: la twee-pop (école Sarah Records) et ses douces mélodies naïves, les grands de chez Creation qui sont des styles à eux tout seuls (les fabuleux Felt, Primal Scream, J&MC, Teenage Fanclub, Pastels, j'en passe et des meilleurs...) et enfin les jeunes pousses du mouvement Madchester.
La gouaille de Mavers n'est pas sans rappeler celle d'un Ian Brown juvénile, et le don pour les mélodies pop sucrées et douces-amères du groupe convoquent les Smiths, Field Mice et autres Another Sunny Day sous leurs meilleurs jours...

Au bout du compte cet album des La's reste une réussite absolue. Pop, concis, il regorge de mélodies mirifiques et de très beaux textes amoureux, et le tout est exécuté avec une grande délicatesse (le disque est majoritairement acoustique)...

Il y a ici une fulgurance typiquement Anglaise qui n'est pas sans rappeler les plus grands jours de la pop britannique, quand fière et conquérante elle imposait ses refrains au monde. Il y a de cet esprit chez les Stone Roses et les La's, et c'est de ça que s'inspireront Oasis, Blur, Supergrass, Pulp, Suede et tant d'autres quand il s'agira quelques années plus tard de porter fièrement l'Union Jack sur sont t-shirt, sa guitare ou en première page des magazines.

Obsédants et inusables, les La's auront donc marqués l'histoire de la pop anglaise par le biais d'un seul album, atterrit qui plus est à la 30ème place seulement des charts UK à sa sortie...
Mais peu importe les ventes du moment, la pop des La's a infiniment mieux vieillit que 95% des productions de l'époque. Depuis la relative indifférence initiale, tant le public que les rock critics et les artistes n'ont cessés de réévaluer à la hausse les chansons des La's, jusqu'à les ériger aujourd'hui en monument pop national.

On en vient presque à penser parfois qu'avec un peu plus de chance (être au bon endroit au bon moment peut aider par exemple...) les La's auraient parfaitement pu conquérir le monde, comme Oasis le fera 4 ans plus tard... Si seulement le destin en avait voulu autrement. Car malgré tout son génie, Lee Mavers et ses caprices tueront dans l’œuf une formation pourtant si bien partie. Se foutant totalement d'un quelconque plan de carrière, très certainement complètement accro à l'héro, Mavers, à l'instar d'un Peter Perret ou d'un Kevin Shields, se coupe peu à peu du monde extérieur pour ne plus vivre qu'enfermé chez lui, dans sa propre galaxie, torpillant ainsi tout espoir d'avenir pour le groupe.

Peu importe au fond, l'homme a déjà suffisamment contribué à illuminer nos sombres existences avec un disque d'une beauté renversante. C'est déjà beaucoup.

The La's - There She Goes

dimanche 5 juin 2011

Spacemen 3

Et voilà ce qui se passe quand on gave de pilules magiques quatre gosses aux oreilles avisées...

Formés au début des années 80 à Rugby, en Angleterre, par Jason Pierce (J Spaceman) et Peter Kember (Sonic Boom), tout deux guitaristes, Spacemen 3 passe plusieurs années à jammer et à perfectionner son art avant de se lancer dans une aventure discographique. Alors qu'ils sont en place depuis 1982, ce n'est qu'en 1986 que la formation parvient à publier son premier album, le désormais classique Sound Of Confusion. Hautement psychédélique, ne délaissant pas les mélodies, Sound Of Confusion pose surtout les bases de ce qui fera la singularité du groupe: des guitares infernales, qui martèlent le même riff jusqu'à l'hypnose, le tout avec un son plus distordu, acéré et bourdonnant que jamais.

Si Spacemen 3 doit quelque chose à quelqu'un, c'est bien à Roky Eriksson et ses 13th Floor Elevators... Le groupe psyché d'Austin avait dès le milieu des années 60 anticipé ce qui allait se passer 20 ans plus tard: des guitares acérées comme des lames de rasoirs, un chant plus ou moins approximatif et incantatoire, des paroles hallucinées, un rythme martial et une vibe psychédélique fortement nourrie de drogues en tout genre.

On pense aussi évidemment aux géniaux Jesus & Mary Chain: les deux groupes sont tout deux très en avance sur leur temps, on s'en rendra compte plus tard, et semblables par bien des aspects. Formés un an après les Spacemen 3, J & M seront cependant les premiers à dégainer, en 1985, avec le chef d’œuvre Psychocandy, soit un an avant Sound Of Confusion...
Ce sera un bien pour un mal à vrai dire, puisque le succès des Mary Chain permit de plus ou moins "former" les oreilles du public, plus apte dès lors à apprécier la violence psychédélique des Spacemen 3 quand elle débarquera dans la foulée...

Enfin la drogue a une importance capitale dans la musique du groupe, au point de nommer un de leurs albums "The Perfect Prescription", et une collection de démos post break-up "Taking Drugs To Make Music To Take Drugs To"...
Le son du groupe, avec ces riffs répétés jusqu'à l'hypnose et ces guitares tronçonneuses qui finissent d'assommer l'auditoire reproduisent à la perfection la léthargie comateuse et hallucinogène des drogues les plus puissantes.

Après l'inaugural et abrasif Sound Of Confusion, le groupe va enfoncer le clou avec ses deux essais suivants: le très bon The Perfect Prescription (1987), sur lequel les titres descendent rarement en dessous des 5 minutes, et le chef-d’œuvre Playing With Fire (1989), qui voit la bande atteindre son apogée avec des chansons mythiques comme Revolution. Spacemen 3 a alors appris à nuancer ses compositions et brille de mille feux sur les pistes les plus apaisées.

En 4 ans le groupe a donc enchaîné 4 albums de très haute facture (un superbe live à Amsterdam publié en 1988, intitulé Performance, complète la série) et influencé des générations de rockers qui ne se remettront pas de la modernité absolue de cette musique puissante et psychédélique.

En 1991, Pierce et Kember se détestent et ne peuvent plus composer ensembles. Une face est donc allouée à chacun des deux leaders, et il en résultera le dernier album du groupe, Recurring, étonnamment bon quand on connait ses conditions de conception...
Par la suite, 3 collections de démos ou d'alternate versions (Losing Touch With Your Mind (1991), Taking Drugs To Make Music To Take Drugs To (1994) et For All the Fucked-Up Children of This World We Give You Spacemen 3 (1995), souvent dépourvues d'électricité, dévoileront au grand jour les squelettes des chansons du groupe. Ces 3 recueils (il y en a d'autres, mais ces 3 là sont particulièrement bons) finiront de prouver à qui en doutait encore que derrière tout ce bruit brillaient des compositions très belles, limites pop parfois.

La suite est connue: la génération shoegaze d'abord rependra à la fin des années 80 les enseignements encore tout chauds de nos hommes de l'espace, avant que la scène Madchester ne récupère avec entrain le profond attachement du groupe pour les drogues. Dans les années 90, les Dandy Warhols et surtout le Brian Jonestown Massacre feront figure de très bons élèves aux yeux de Sonic Boom et de Jason Pierce qui, entre temps, ont eu le temps de former respectivement Spectrum et Spiritualized (à qui on doit, s'il fallait le rappeler, un disque absolument parfait, "Ladies & Gentlemen We Are Now Floating In Space"), rien que ça!
Des Warlocks à MGMT en passant par les Black Angels ou les légendes inclassables de Primal Scream, tous ne seront que des apprentis plus ou moins brillants des visionnaires Spacemen 3...

Pour cette flopée de groupes géniaux, et surtout pour leur musique sortie de nulle part, on dit merci aux gentils hommes de l'espace!


Spacemen 3 - Revolution


Spacemen 3 - Lord Can You Hear Me


Spacemen 3 - Hypnotized

vendredi 3 juin 2011

Os Novos Baianos

Voilà pour aujourd'hui ce qui est certainement le plus grand groupe de rock brésilien de tout les temps. Et encore, dire "groupe de rock" pour parler des Novos Baianos est très très réducteur...

Dans la région de Bahia, ce groupe de joyeux lurons vit à la fin des années 60 en communauté au fin fond de la campagne bahianaise, et passent le plus clair de leur temps à jouer leur bien étrange musique et à organiser des matchs de football.
Ces gentils hippies n'en sont pas moins des musiciens absolument hallucinants: Pepeu Gomes est considéré à très juste titre comme l'un des tout meilleurs guitaristes de l'époque...
Mêlant comme aux plus belles heures du tropicalisme la guitare électrique et les instruments brésiliens traditionnels (cavaquinho, chocalho, pandeiro, etc...), la musique des Novos Baianos est remplies de voix limpides et de mélodies sublimes jouées par un orchestre virtuose qui réunissait le meilleur des influences rock et samba.

Vouant un culte aux styles musicaux typiquement brésiliens, de la samba à la bossa-nova en passant par toutes les musiques du Nordeste (choro, frevo, baião,...) et en même temps profondément marqués par la pop et le rock psychédélique à la mode aux États-Unis et en Angleterre, les Novos Baianos sont donc, à l'instar de Caetano Veloso et de quelques autres (Gilberto Gil, Tom Zé, Os Mutantes), une synthèse assez parfaite de ces deux influences majeures. Le tout est joué avec un bonheur contagieux et une virtuosité impressionnante, ce qui évidemment ne gâche rien.

Le deuxième et meilleur album du groupe, Acabou Chorare, sortit en 1972, est aujourd'hui considéré par certains spécialistes comme le plus grand album brésilien de tout les temps, ce qui est d'autant plus remarquable quand on connait la richesse de la musique brésilienne... Voici par exemple la (très bonne) liste de Rolling Stone Brésil des plus grands albums "nationaux":

1. Os Novos Baianos - Acabou Chourare
2. Divers - Tropicalia ou Panis et Circensis
3. Chico Buarque - Construção
4. João Gilberto - Chegua De Saudade
5. Secos e Molhados - Secos e Molhados
6. Jorge Ben - A Tabua Da Esmeralda
7. Milton Nascimento & Lô Borges - Clube Da Esquina
8. Cartola - Cartola
9. Os Mutantes - Os Mutantes
10. Caetano Veloso - Transa (dont je vous avais parlé il y a quelque temps...)

Avec les Novos Baianos les mélodies sont sublimes, les paroles sont tendres et les sourires sont larges: rarement on aura entendu un groupe si bon charmer l'oreille avec tant de facilité et de décontraction...

"Il est venu le temps pour ces gens bronzés de montrer leur valeur" disaient-ils dans Brasil Pandeiro avec un patriotisme tout naturel, en parlant du peuple brésilien. Les Novos Baianos, tout au long de leurs albums fabuleux, ne cessent de prouver cette valeur...


Os Novos Baianos - Brasil Pandeiro


Os Novos Baianos - O Samba Da Minha Terra


Os Novos Baianos - Preta Pretinha


Enfin voilà notre collectif en plein descente d'acide, avec longs solos de guitare psyché, paroles indéchiffrables et tout le tintouin à la clé, mettant une rouste monumentale aux Grateful Dead et autres Quicksilver Messenger Service de la même époque:

Os Novos Baianos - Alunte