mercredi 25 janvier 2012

Elliott Smith

Je n'avais toujours pas mentionné Elliott Smith dans ce blog, il était donc grand temps de réparer cette injustice...

Le songwriter le plus perturbé de notre génération est parti depuis déjà plus de 8 ans, pourtant son âme n'a jamais semblé briller aussi fort qu'aujourd'hui... Les gens se reconnaissent dans Elliott Smith, ses chansons ont pris un sens dans leurs vies, certaines sont devenues de véritables monuments, et l'existence saisissante de leur créateur a ému plus d'un coeur fragile.

Du coup, Smith, relativement ignoré il y a une quinzaine d'années, est aujourd'hui devenu un barde folk établit, autorisé à la table des grands : Will Oldham, Nick Drake et autres folkeux mélancoliques légendaires. Pourtant, un aspect de son songwriting le distinguait fondamentalement de ces deux grandes figures : au-delà de l'attachement aux racines folk américaines très rurales (le jeu de guitare tout en arpèges et en picking notamment), la musique du garçon intégrait une énorme influence pop. Les Beatles, Big Star ou les Kinks seront tous repris à un moment ou un autre, prouvant l'attachement essentiel du songwriter pour la grande pop héroïque de ces quelques groupes mythiques. Smith confectionnait ses chansons à la manière d'un orfèvre aux mains délicates, façonnant un travail d'une complexité et en même temps d'une évidence affolante, laissant derrière lui un énorme stock de mélodies à faire tourner les têtes de tous les maniaques de pop ouvragée.

Mais au delà de ces aspects de composition, Elliott Smith était surtout et avant tout un jeune homme extrêmement fragile, dont les émotions brutes s'exprimaient à merveille à travers cette voix sur le fil, qui semblait prête à dérailler ou à partir en sanglots à tout moment.

L'addiction aux drogues, la dépression, la solitude, la paranoïa, le traumatisme des Oscars, tout ça se ressentait d'une manière totalement bouleversante dans ses chansons. Mais c'est surtout l'honnêteté profonde qui transparaît dans l'ensemble de l'oeuvre qui a beaucoup marqué, évidemment. Elliott Smith décrivait avec la plus grande innocence les sentiments les plus purs qui animait son coeur tourmenté, et livrait alors une copie totalement déstabilisante et poignante.
La sensibilité à fleur de peau de Smith devint alors et reste encore aujourd'hui pour des milliers de personnes un réconfort permanent dans un monde de plus en plus pourri par un cynisme désespérant.

Voici donc 12 de mes chansons préférées d'Elliott Smith. Il y a déjà rien que là-dedans de quoi survivre des années entières dans un bunker souterrain à étudier nuit et jour ces chansons incroyables.
A consommer avec modération tout de même, ces titres pouvant entraîner crises existentielles et folies temporaires...

The Biggest Lie


Angeles


Say Yes


Between The Bars


Whatever (Folk Song In C)


All Cleaned Out


Georgia Georgia


Waltz #2


Miss Misery


Needle In The Hay


Twilight


Happiness

dimanche 1 janvier 2012

Perles Pop (2)

Voici la deuxième édition de la rubrique "Perles Pop"! Avec du très très lourd cette fois-ci. Vraiment, là, j'y ai mis tout mon coeur.

Big Star - Thirteen

Voici la ballade la plus sublime du groupe de Chilton et Bell, pourtant pas avare en la matière. Cette complainte d'une beauté et d'une innocence incroyable atteint un tel niveau de perfection qu'elle rendrait fous de jalousie tous les Paul McCartney, Brian Wilson ou Ray Davies du monde. Une preuve de plus, s'il en fallait une, du génie absolu de Big Star.




Felt - The World Is As Soft As Lace

Il faudrait un jour que j'évoque ici plus en détails mon amour infini pour le groupe de Lawrence... Cet ovni totalement oublié des années 80 a laissé derrière lui une oeuvre immense, 10 albums et 10 singles en 10 ans. Parfait même dans les chiffres. Au fil des années, on a vu Felt tout faire, des albums instrumentaux, d'autres définitivement pop, certains carrément psychédéliques...
Ce bijou n'est qu'un exemple parmi d'autres du génie absolu du guitariste originel de la bande, Maurice Deebank, qui tresse ici une mélodie d'une beauté solaire, avec un son d'une pureté inimaginable... Tout ici est très caractéristique du quasi-instrumental second album du groupe, l'excellentissime The Splendour Of Fear.
Il suffit de tendre l'oreille. C'est cadeau. (Et ça démarre à 1:00).




Chris Bell - You And Your Sister

En solo, l'ex Big Star est célèbre pour avoir publié un album inouï: I Am The Cosmos, album à la beauté fulgurante qui finira de faire rentrer Bell dans l'histoire de la pop music. Ici aidé par son ancien compère Alex Chilton aux choeurs (qui à la même époque venait d'ailleurs d'achever un chef-d'oeuvre immense pour Big Star, l'album Third/Sister Lovers), Chris Bell produit avec ce "You And Your Sister" divin une ballade pop d'une pureté renversante.
On sait ce qui arrivera ensuite... Fauché à 27 ans, comme bien d'autres génies avant lui. Dommage que le monde l'ait oublié, il méritait infiniment mieux.




Dennis Wilson - River Song

Après un ex-Big Star en solo, voici un ex-Beach Boys en solo! Et par n'importe lequel: Dennis Wilson, le seul vrai surfeur de la bande, écorché vif loin de l'image de bons garçons des Beach Boys, sortait en 1977 l'album Pacific Ocean Blues. Un disque complexe, sublimement pop et hautement dérangé, marqué par la drogue, mêlant d'étranges éléments électroniques à des choeurs et des mélodies parfois célestes. Redevenu célèbre après sa réédition en 2008, l'album n'est pourtant pas à mettre entre toutes les mains... Quoi qu'il en soit, voici l'une des plus belles compositions du disque. La très grande River Song:




The Pastels - Million Tears

Les gentils Pastels sont victimes d'un véritable culte auprès de quelques amateurs de pop indé. Assez représentatifs du son twee pop et C86, le groupe se distinguait cependant des autres par un charmant côté amateur et DIY qui font d'eux une formation assea à part dans le paysage musicale de l'époque. Admiré par quelques grands groupes, restés pourtant quasi-inconnus du grand public, les Pastels développèrent un son toujours assez Lo-Fi qui ira du rock saturé à la pop la plus ensoleillée, comme ici avec Million Tears.




The Vaselines - Jesus Wants Me For A Sunbeam

Oui oui, on sait, c'était un des groupes préférés de Kurt Cobain. Le leader de Nirvana ne cessait d'ailleurs de reprendre cette chanson en live, notamment lors du MTV Unplugged, dans une très belle version. On ne remerciera donc jamais assez Cobain pour avoir essayé de faire découvrir au public des artistes sublimes auxquels il devait beaucoup: Daniel Johnston, Dinosaur Jr, Pixies, et donc Vaselines...
Ici on vous propose l'originale de ce superbe groupe mixte qui jouait une pop assez approximative et Lo-Fi mais toujours mélodique et réjouissante.




Belle & Sebastian - Another Sunny Day

Le groupe des coeurs sensibles et des incurables romantiques est aussi une bande de lascars qui connait sa pop sur le bout de ses doigts et sait publier des morceaux au savoir-faire mélodique impeccable. L'exemple ici même:




Galaxie 500 - Tell Me

Enfin pour finir l'un des groupes les plus fulgurants du monde. Actifs à peine 4 ans, de 87 à 91. Auteurs d'un premier album quasi-parfait (Today), d'un deuxième insurpassable (On Fire) et en enfin d'un dernier bon disque (This Is Our Music). Connu pour ses épures pop, lentes et méditatives, au son si clair qu'il tutoyait les cieux, le groupe s'écoute comme un émerveillement permanent. Là encore un très grand groupe oublié, un vrai diamant intact. Je vous laisse donc déguster ce Tell Me d'un autre monde:

The Field Mice et la Twee Pop

Passée la nouvelle année, on oublie les classements et autres tops proverbiaux et on revient à la musique! Youpi! Et pas avec n'importe qui, attention, puisque je vous parle aujourd'hui d'un grand groupe pop complètement oublié dans nos chères contrées: The Field Mice.

Les soyeux Field Mice étaient l'incarnation même du son Sarah Records, ce label formidable de Bristol qui publia d'innombrables disques de pop délicate de 1987 jusqu'au milieu des années 90 (dont les très bons Another Sunny Day).
Mais revenons d'abord si vous le voulez bien sur l'histoire de cette fameuse twee pop à laquelle Field Mice est souvent associée, afin de mieux comprendre le contexte dans lequel le groupe a émergé.

Le "son Sarah Records" est en fait historiquement une composante de ce qu'il convient d'appeler l'"indie pop" si on vient du Royaume-Uni, ou la "twee pop" si l'on est des États-Unis (ce dernier étant le terme le plus utilisé en France aujourd'hui).
Certains historiens pop retracent l'origine de la twee pop au 3ème album du Velvet Underground. D'autres prétendent que le mouvement prend ses sources au début des années 80 en Écosse, avec l'obscur label Postcard Records qui publiait des choses très influencées par le post-punk. Les autres influences officielles de cette future twee pop incluent quelques groupes post-punks, au premier rang desquels les superbes Television Personalities, et deux-trois punks anglais tels que les Buzzcocks et les Undertones. Une certaine idée de la pop commence alors à naître, avec l'éthique DIY (Do It Yourself), à laquelle ces gens adhèrent avec enthousiasme, encourageant alors la profusion de groupes plus ou moins amateurs.

Et puis milieu des années 80 les Smiths débarquent et popularisent une pop indépendante, sans la violence ni la distorsion des guitares rock mais avec les mélodies et les sentiments amoureux de la pop. Le succès du groupe de Morissey, et son aura auprès de toute une génération d'incorrigibles romantiques, est un peu la victoire, si l'on veut, des idées de tous ces groupes indie pop aux coeurs d'artichaut. La vénération dont va alors bénéficier le groupe, particulièrement forte en Angleterre, vire du coup parfois à une idolâtrie assez incroyable, quelque peu démesurée si on la compare par exemple aux échecs commerciaux retentissants de certains groupes magnifiques de la même époque, comme Felt. Les Smiths devinrent en tout cas un formidable exemple pour des dizaines de songwriters en herbe, donnant envie à de nombreuses jeunes pousses d'empoigner leurs guitares et d'écrire leurs propres chansons, à l'instar d'un Noel Gallagher fou amoureux du groupe.

Cependant, et je n'ai pas honte de le dire, comme de nombreuses personnes qui aiment la pop indé, je n'ai jamais vraiment partagé l'enthousiasme autour des Smiths, et ce malgré de nombreuses tentatives! Ce qui ne m'empêche pas de respecter le groupe et d'être en même temps un énorme fan de quelques quelques grandes formations sensées être plus ou moins proches des Smiths (Field Mice, La's, Felt, Big Star, Jesus & Mary Chain,...). L'un n'empêche pas l'autre, que ce soit clair!

En 1986 parait la légendaire cassette C86 du NME, qui réunit de nombreux artistes dits de "twee pop" (dont les très bons Wedding Present et les excellents Pastels, dont on reparlera ici plus tard) et qui servira parfois de nom générique à toute cette bande de joyeux lurons. La cassette, concrètement, contient une chanson des débuts de Primal Scream, de nombreuses autres de groupes devenus depuis totalement insignifiants, et pour finir n'est pas si "twee" que ça, puisqu'elle incorpore en vérité des groupes beaucoup plus musclés et rock que ceux de l'indie pop.

Finalement en 1987 sortent les premiers enregistrements de chez Sarah Records, qui continueront à fouiller du côté des mélodies fragiles et des paroles sensibles.
Tout cela, "indie pop", "twee pop", "C86 sound", "Sarah Records sound" (du plus général au plus particulier) désignent donc, grosso-modo, le même type de musique, une musique d'ailleurs cruellement oubliée en France.

Mais aujourd'hui des artistes talentueux font revivre cette vision de la pop avec brio: Belle & Sebastian évidemment, mais aussi les formidables Pains Of Being Pure At Heart sur leur premier essai et Real Estate à un degré moindre.

Et pour revenir aux Field Mice, les lascars ont publiés en 1989 un premier album d'une immense beauté, Snowball, remplie de mélodies intactes prêtes à prendre d'assaut nos coeurs fragiles. Les guitares sont aigrelettes, le vague-à-l'âme adolescent et hautement romantique est bien présent et la mélancolie hante de nombreuses compositions sur ce premier essai aux aspects de classique absolu. La bande évoluera par la suite vers un son plus électronique sur les deux essais suivants parus en 90 et 91 (à retenir: l'album Skywriting, celui de 90, extrêmement beau, le suivant l'étant un peu moins), et se séparera dans la foulée, après seulement 4 années d'activité.
Au final, ils auront laissés derrière eux une petite collection de chansons éternelles, comme ces deux bijoux ci-dessous:

The Field Mice - Emma's House


The Field Mice - If You Need Someone