lundi 26 décembre 2011

Rétrospective : Année 2011 - Top 20 Albums

Le voilà le fameux classement! Voici, pour moi, les 20 meilleurs albums publiés en 2011. C'est évidemment une liste très subjective qui risque d'évoluer avec le temps, mais ça peut permettre de découvrir deux, trois choses sympas!


1. Cults - Cults

L'album pop le plus radieux de l'année. Un coup de maître, un vrai de vrai, et quelques chansons qui sont parties pour rester dans les coeurs sensibles un bon moment. Songwriting ultra efficace, mélodies intemporelles, instrumentation fine et prod définitivement moderne : les chevelus de Cults étaient décidément les meilleurs cette année.



You Know What I Mean



2. Girls - Father, Son, Holy Ghost

Girls n'a encore rien inventé, pourtant notre duo favori, pour le coup luxueusement accompagné de choristes et de guitaristes additionnels, a pour la deuxième fois publié un album pop quasi-parfait, hautement mélodique et varié, marqué par la mélancolie et qui nous aura tenu en haleine de la première à la dernière note. Girls sait écrire de grandes chansons comme on en faisait dans les 50's et 60's, qui savent aller droit au but et ne pas tourner autour du pot quand il s'agit de faire ressortir les sentiments les plus profonds et les plus forts de nos pauvres carcasses. Un très grand album.



My Ma (Live)



3. J Mascis - Several Shades Of Why

En voilà un album très sous-estimé. Comme les deux derniers disques de Dinosaur Jr d'ailleurs... Pourtant l'intérêt était ici de taille: Mascis, guitariste épique, songwriter admirable, qui avait déjà prouvé à maintes reprises son savoir-faire pour le troussage de sublimes mélodies, s'adonnait enfin à un album dépourvu d'électricité, et sortait donc au grand jour sa voix, ses mélodies et ses qualités indéniables de songwriter. On en sort frappé par des chansons très mélancoliques, d'une puissance émotionnelle assez hallucinante (voir la crève-coeur Very Nervous and Love), surtout quand on sait qu'elles viennent d'un vieux héros fatigué du rock indé 80's et 90's. A découvrir d'urgence si ce n'est pas déjà fait.



Is It Done



4. Wilco - The Whole Love

Constamment intéressant, régulièrement passionnant, et ce depuis une bonne quinzaine d'années, Wilco continue son bout de chemin, et parvient encore une fois à être plus à-propos que jamais avec un disque d'une grande beauté... Mais merde comment font-ils??!!



Born Alone



5. Gruff Rhys - Hotel Shampoo

Un des génies les plus mésestimés de la pop (Super Furry Animals, quelqu'un?) a publié cette année l'un de ses albums les plus beaux et les plus aboutis de sa carrière. Tout le monde a l'air de s'en branler complètement et c'est bien dommage, puisqu'on ne s'ennuie pas une minute ici. Mélodique et débordant d'idées : un des disques les plus réjouissants de 2011.



Honey All Over



6. Stephen Malkmus & The Jicks - Mirror Traffic

Encore un bon vieux soldat loyal du rock indé, le vrai de vrai, qui revient au centre des attentions. Plus pop que jamais, Malkmus a enfin trouvé son équilibre, et publie ce qui est peut être son meilleur album depuis la dissolution des géniaux Pavement.



Tigers



7. The Black Keys - El Camino

Et si après tout c'était eux, le "plus grand groupe de rock au monde"? La vieille formule recyclée n'a plus vraiment de sens aujourd'hui, pourtant les Black Keys nous force à la ressortir: ça fait quand même deux albums en deux ans complètement abrasifs, à la fois accessibles au plus grand nombre et furieusement rock'n'roll, à chaque fois extrêmement beaux et maîtrisés. Plus rock, garage et blues que son superbe prédécesseur, qui se prêtait d'avantage à la soul, ce génial El Camino revient aux bases et sonne méchamment bien.



Lonely Boy



8. The Pains Of Being Pure At Heart - Belong

Visiblement très inspirés par les Smashing Pumpkins (notamment avec ces fameuses "cassures" soniques et mélodiques), ce deuxième essai des nostalgiques de POBPAT est encore une fois beau, mélancolique et remplit de mélodies sensibles et hédonistes qui nous font revenir en un clin d'oeil au début des années 90. Tant mieux, ce fut une grande période pour le rock indé!



The Body



9. Fleet Foxes - Helplessness Blues

Les génies de l'harmonie vocale reviennent aux affaires avec un album luxuriant, qui continue de creuser le sillon d'une musique folk toujours aussi pure, tutoyant même le divin le temps de quelques chansons magistrales. On en reste bouche bée.



Montezuma



10. Bon Iver - Bon Iver

L'ami Justin Vernon est devenu plus hype que jamais, menant les indés et autres hipsters à de furieuses guerres de tranchées par missives interposées pour savoir si Bon Iver, c'est cool ou pas. Mais peu importe à vrai dire, puisque Vernon continue sur la lancée d'un premier album majestueux et publie un disque ambitieux, alternant chansons aux textures originales, presque soft-rock 80's (dont la longue dérive finale qui laisse légèrement place à l'auto-indulgence) et quelques ballades monumentales dont on ne s'est toujours pas remis (Holocene, Towers). Album irrégulier mais qui fait preuve d'un potentiel immense.



Holocene



11. Beirut - The Rip Tide

Le troubadour Zach Condon revient avec un album plus personnel que jamais. D'une grande beauté, le disque alterne moments mélancoliques et autres ensoleillés pour un résultat apaisé, offrant un bol d'air salvateur à l'auditeur égaré. On respire enfin...



Sante Fe



12. M83 - Hurry Up, We're Dreaming

Épique, cinématographique, monumental, énorme, mégalo, "d'une ambition folle"... Tous ces adjectifs ont déjà été utilisés d'innombrables fois pour décrire le dernier album du groupe Fançais, qui à l'instar de Phoenix, rencontre infiniment plus de succès aux Etats-Unis que dans leur terre natale. Concrètement, c'est effectivement un double-album méga-ambitieux (objectif annoncé: être du niveau de Loveless, Melon Collie et le White Album, rien que ça!!!) au son énormissime (pleins de synthés qui sonnent merveilleusement) et dont on risque de se souvenir dans les prochaines années tant il est révélateur d'une génération. Comme les compères de Boards of Canada, que M83 ne cesse de me rappeler, la musique existentielle du groupe d'Anthony Gonzalez prend à la gorge et laisse pantois. Un album qui risque d'évoluer dans le classement au fil des écoutes, tant on y découvre de nouvelles choses à chaque fois qu'on y revient et tant l'oeuvre parait, pour l'instant, "trop immense" pour la comprendre immédiatement dans toute sa complexité.



Midnight City



13. Yuck - Yuck

Retour en 1991!!! Yuck sonne exactement comme un très bon groupe indé du début des 90's, avec quelques perles mélodiques indélébiles à la clé et une attitude slacker bienvenue en ces temps policés. Rafraîchissant.



Rubber



14. Jeffrey Lewis - A Turn In The Dream-Songs

Le génie absolu de l'anti-folk nous revient avec cet album plus médidatif que ses précédents. Légèrement moins inspiré que son prédécesseur (le magistral 'Em Are I), Jeffrey parvient tout de même une nouvelle fois à faire mouche le temps de quelques comptines superbes, nous rappelant toute la fragilité de l'art unique de ce songwriter cruellement sous-estimé.



Mosquito Mass-Murderist



15. The Black Lips - Arabia Mountain

Les Black Lips produit par Mark Ronson, voilà quelque chose qu'on n'aurait jamais imaginé! Le luxueux producteur soul et le groupe de rock déglingué se sont pourtant associés pour ce très bon album aux aspects de grand foutoir, dans lequel les Black Lips se décident enfin à s'enregistrer un peu mieux et à arrêter de chanter faux. Très bon donc.



Family Tree



16. Kurt Vile - Smoke Ring For My Halo

Syd Barrett n'est pas mort. Son âme a en fait été transférée dans le corps de ce jeune compositeur talentueux, qui fait revivre le folk psychédélique des albums solos de Barrett de bien belle manière, avec pour résultat un disque halluciné.



Baby's Arms



17. Feist - Metals

Feist, l'auteur de la célèbre 1,2,3,4, ne nous avait jamais parut très sérieuse pour être honnête. On ne l'aurait donc jamais soupçonné de pouvoir publier un album aussi beau, profond et cohérent que ce Metals très inspiré par la nature (pour le meilleur pour une fois).



How Come You Never Go There



18. St Vincent - Strange Mercy

Violemment puissant sur certaines chansons déjà connues, on connaissait le potentiel de St Vincent et de sa pop résolument moderne et hédoniste, décomplexée et complexe à la fois. Avec Strange Mercy, le groupe a enfin réussit à faire l'album qu'on attendait d'eux. Excitant.



Cruel



19. Thee Oh Sees - Carrion Crawler / The Dream

Le groupe phare de la scène surf de San Francisco sort son deuxième album de l'année avec ce Carrion Crawler / The Dream particulièrement inspiré qui alterne rock enflammé et plages plus apaisées, avec à l'appui quelques trouvailles soniques et mélodiques passionnantes. Intéressant donc.



The Dream



20. Real Estate - Days

On retrouve avec Real Estate les échos mélodiques et le vague-à-l'âme de groupes hautement mélancoliques de twee-pop (Field Mice, Another Sunny Day, etc.), des Smiths, de Felt, de Big Star et d'autres génies pour un résultat particulièrement prenant.



It's Real


P.S.: Si j'avais pu mettre un 21ème, ça aurait été le très bon album de l'ami Noel Gallagher! (-:

dimanche 4 décembre 2011

Jay Reatard / Ty Segall / Black Keys / Black Lips : même combat?

On a beaucoup parlé du retour du rock au début des années 2000, sous la houlette des fameux "sauveurs du rock", les Strokes. Mais beaucoup moins de ce qui s'est passé après...
Mais revenons d'abord au commencement. Au début de la dernière décennie, le rock des Stooges, du Velvet, des Ramones ou de Television revenait en force et redonnait un style, un son et une esthétique à ce come-back, que vous l'aimiez ou pas. Les Converses, les slims troués, les cheveux longs, les poses de rock stars, tout ça est redevenu à la mode en un clin d'oeil...
Au niveau sonique la violence du garage et des punks, qu'ils soient Anglais ou Américains, revenaient également sur le devant la scène: merci donc aux White Stripes, aux Hives, aux Libertines, aux Vines même: tout cela n'aurait pas été possible sans eux. Et puis comme tout mouvement rock'n'rollesque, le truc s'est effrité.
Les Libertines n'auront pas survécus aux relations d'amour-haine entre Barat et Doherty, ils ont été les premiers à succomber. Craig Nicholls s'est révélé atteint du syndrome Asperger, et son groupe alterna par la suite coupures, coups de génies et chansons clinquantes et grotesques. Les White Stripes sont séparés depuis bientôt un an, alors qu'il se faisaient de plus en plus rare depuis la deuxième moitié des années 2000. Les Hives n'ont rien publiés depuis 2007. Et les Strokes, quasi-séparés, ont finalement sortis leur 4ème album tant attendu : un disque fatigué et à cours d'idées.
Bref vous l'aurez compris, cette génération est belle et bien morte. Enterrée. Finit.

Que nous a-t-elle donc laissée cette vague rock au final? Hé bien peut-être une tripotée de groupes qui n'ont pas voulu s'arrêter en si bon chemin et qui ont continués à creuser le sillon du retour du rock, tout en se forgeant leur propre identité, complexe et multiple. Moins célèbres, moins "commerciaux", plus intransigeants, plus Lo-fi et plus bordéliques: les groupes qui ont suivis ont en tout cas fait honneur à la cause rock'n'roll.

Cette nouvelle génération a d'ores et déjà un héros. Que dis-je, un martyre: Jay Reatard, sacrifié sur l'autel de ses idéaux rock, fauché en pleine gloire par un cocktail mortel d'alcool et de cocaïne.
Car c'était lui le vrai détonateur: celui qui publiait 10000 chansons à un rythme frénétique, sous différents pseudos, sous différentes formations, en EP's, 45's, albums, en solo ou en groupe...
Il fut un guide et une modèle dans sa manière de faire. Et puis dans sa manière d'être: le garçon ne partait de rien, élevé dans une famille brisée qui vivait dans la pauvreté la plus totale. Sur scène, Jay expulsait furieusement toute cette frustration emmagasinée au cours d'une existence rocambolesque. Déchaîné, il ne laissait aucun répit au public, les attrapant à la gorge et ne lâchant prise qu'une fois le travail terminé. L'éthique punk et "Do It Yourself" reprenait alors tout son sens.
Enfin, surtout, Jay Reatard était certainement le seul rejeton dont les Buzzcocks pouvaient être fiers. L'artiste incorporait dans sa musique la pop 60's avec un sens du refrain incroyable, qu'il fusionnait allègrement avec des rythmes et un chant punk, une hargne garage, et cette formule mélodique que seuls ces satanés Buzzcocks connaissaient, et qui avait été développé par des gens comme les Pixies ou Supergrass.
Il fut l'auteur d'un nombre incalculable de chansons invraisemblables, disséminés principalement sur 3 albums solos fournis (dont une compilation de singles): Blood Vision, Matador Singles '08 et Watch Me Fall. Sa mort fut donc une perte incroyable, d'autant que la trajectoire pop qu'il prenait laissait augurer des jours radieux. Tant pis : Jay Reatard était bel et bien fulgurant.

Un documentaire - le très recommandable Better Than Something - est sortit sur l'artiste cette année même. Autant dire que Jay Reatard, c'est déjà de l'histoire.

Trailer du documentaire Better Than Something : Jay Reatard

It Ain't Gonna Save Me

See/Saw

I Know A Place

There Is No Sun

Don't Let Him Comeback (Live)


Ty Segall, petit génie en provenance de San Francisco, semble être le seul successeur crédible à Jay Reatard, depuis la mort tragique de celui-ci. Même tignasse, même boulimie artistique, même hargne dans ses chansons et sur scène. La gaillard est plus Lo-fi que Jay cependant, mais comme lui il fit ses dents dans divers groupes garages et punks locaux avant de se lancer en solo et dévoiler petit à petit son côté pop.
D'avantage garage que punk, on sent que Ty Segall a écouté Sonics, Remains, Them, 13th Floor Elevators et autres vieilleries Nuggets pour s'en inspirer et régurgiter le tout à la jeune génération, qui en redemande.

My Sunshine

Goodbye Bread (Live)

It #1

So Alone


Certainement les plus drôles du lot, les farfelus Black Lips, qui pratiquent, selon leurs propres paroles, du "punk hippie", ont également grandement contribué à maintenir en vie un rock en mal d'authenticité. Complètement déjantés, partant en tournée dans les destinations les plus improbables, le groupe braille et chante faux des mélodies souvent superbes.
Voir les Black Lips en live est une des dernières vraies expériences rock: on ne sait jamais à quoi s'attendre, ils pourraient se battre, casser une guitare ou arriver bourré... Ou bien balancer un concert légendaire et survitaminé. La bande n'a pas grand chose à foutre de quoi que ce soit, mais parvient à produire une musique qui tient miraculeusement debout.

Bad Kids

Family Tree

Katrina

Dirty Hands (Live)


Enfin les Black Keys, souvent comparés aux White Stripes à leurs débuts, ont évolués de manière assez spectaculaire en incorporant à leur formule blues-garage initiale des éléments de soul, de hard ou de punk tout au long d'une discographie impeccable et sans faute de goût aucune. Ils sont les seuls à représenter cette génération auprès du grand public, réussissant l'exploit de polir leur son suffisamment pour le rendre accessible au plus grand nombre, mais pas trop non plus afin de le laisser sale, frimeur et provocateur. Impeccable.

Lonely Boy

Next Girl

I Got Mine

Girl Is On My Mind


Enfin pour finir une mini sélection de quelques groupes et artistes intéressants appartenant plus ou moins à cette même mouvance, avec entre autres l'énormissime King Khan, les géniaux Thee Oh Sees ou les impétueux Strange Boys.
A déguster sans modération.

King Khan & The Shrines - Land Of The Freak

The Strange Boys - Be Brave

Thee Oh Sees - Tidal Wave

Sic Alps - Cement Surfboard

mardi 1 novembre 2011

Rétrospective : les 20 meilleurs albums des années 90

C'est en constituant ce classement que je me suis rendu compte d'une chose fondamentale : les années 90 ont été une putain de bonne décennie. Tout du moins au niveau du rock (et du rap). Elles ont été d'une richesse inouïe, les années 80 et 2000 se situant tout compte fait assez loin derrière.

Les 90's ont en fait été une sorte de carrefour, où l'on retrouvait pèle-mêle les descendants des Pixies et de Dinosaur Jr en l'espèce de toute cette scène indie rock ultra-cool (Pavement Weezer, Sebadoh,...), des ovnis totalement illuminés et carrément brillants donnant le meilleur d'eux-mêmes (Sparklehorse, Beck, Magnetic Fields, Radiohead, Primal Scream, Daniel Johnston...), des bardes folks passionnants (Vic Chesnutt, Will Oldham, Elliott Smith, même Ben Harper), quelques mastodontes pas encore devenus grotesques (Oasis, Red Hot, RATM,...), des groupes space-rock publiant de véritables symphonies (Spiritualized, Mercury Rev, Air, Flaming Lips, Grandaddy,...), etc...
Tout cela en une décennie qui comptait également les plus grandes oeuvres rapologiques, pas détaillées ici.
Il est donc peu dire qu'il fut incroyablement difficile d'établir ce classement, qui s'apparenta à un dilemme sans fin.

Voici donc, d'après moi, les 20 meilleurs albums des années 90:


1. Sparklehorse - Vivadixiesubmarinetransmissionplot



Le premier album de Mark Linkous était un chef-d'oeuvre. Un coup de maître, d'entrée. Publié en 1995, épaulé par David Lowery à la production et les amis de Cracker à l'exécution, ce disque avait été très bien accueillit par la critique mais plus discrètement par le public; aucun succès mainstream ne suivrait même si une base de fans fidèles s'était formée.
A l'instar de cette pochette, poétique et mystérieuse, la musique de Sparklehorse intrigue et charme l'oreille avec un savoir-faire inouïe. Presque tout ce qui fera la singularité du cheval étincelant est déjà présent ici.
Il y a cette schizophrénie incroyable entre les ballades belles à pleurer, telle l’immaculée Most Beautiful Widow In Town, les douces et mélancoliques Sad & Beautiful World et Heart Of Darkness, la lumineuse Saturday ou les sombres Spirit Ditch et Homecoming Queen, toutes ces perles mélodiques invraisemblables, et les violentes, saturées et hédonistes Hammering The Cramps, Rainmaker ou Someday I Will Treat You Good, des réminiscences superbes du meilleur de l'indie rock de l'époque, Pixies en tête. Et là on ne parle même pas de l'immense Cow...
Au gré d'un univers particulièrement habité et d'un disque très imagé, on finit transporté par cet album d'une cohérence impeccable, à la production particulièrement virtuose. Voilà un de ces rares disques qui laisse pour toujours une trace indélébile en soi, un de ces disques pour lesquels on nourrit une affection infinie, qu'on voudrait garder pour l'éternité à soi tout seul, comme un secret formidable, beau et mystérieux à jamais protégé du regard désapprobateur de la foule ignare.

Sad & Beautiful World

Most Beautiful Widow In Town

Cow


2. Daniel Johnston - 1990




Voici ce qui pourrait être l'un des tout meilleurs albums du songwriter fou, Daniel Johnston, ce génie invraisemblable. Auteur dans les années 80 d'innombrables chefs-d'oeuvres très mal enregistrés sur des cassettes à la qualité sonore déplorable (on appellera ça plus tard "Lo-fi"), Johnston s'était vu offrir les services de maître Kramer à la fin des années 80 pour enregistrer un album à New York, puisque celui-ci, en pleine crise de nerfs à l'époque, était de visite à Big Apple sous l'impulsion de ses amis de Sonic Youth.
Particulièrement possédé, persuadé de la présence du Diable partout où il va, Johnston est alors très difficile à capter. Kramer va devoir se contenter de quelques visites en studios, et de lives édifiants enregistrés ci et là, où l'on entends Johnston hurler à l'assistance de "sortir Satan de leur vie" où encore leur demander de reprendre joyeusement en choeur les paroles très sombres de Funeral Home.
Certains parlent de gospel mortuaire, désespéré, gothique et profondément dérangé, d'autres d'art brut.
Quoi qu'il en soit, ce disque, qui devait s'appeler 1989 à l'origine, est un très très grand album, une plongée éprouvante dans l'univers maniaco-dépressif de Johnston, dans lequel on trouve certaines des chansons les plus tristes et les plus sublimes qu'il nous ait été donné d'entendre dans notre existence.
Il suffit d'entendre Some Things Last A Long Time retentir pour se dire qu'on est définitivement en présence de quelque chose d'incroyablement plus fort et plus profond que tout le reste. On ressent l'immédiate honnêteté qui prends à la gorge, on sent que la chanson compte pour son auteur, qu'il pèse chaque mot prononcé, on sent quelque chose de vital, qui devait sortir, malgré toutes les douleurs que cela impliquait pour son géniteur.

Some Things Last A Long Time

True Love Will Find You In The End

Held The Hand


3. Sparklehorse - Good Morning Spider


Ce deuxième opus de Sparklehorse est encore et toujours un bijou. Comment faisait-il? 4 albums, 4 perles intemporelles, remplies de mélodies et de mélancolies. Ici, à l'exception de Saint Mary, dédiée aux infirmières qui s'occupèrent de lui pendant sa convalescence, les chansons ont toutes été composées avant le fameux accident dont Linkous sera victime (overdose, mort clinique durant quelques instants, puis chaise roulant pendant près d'un an).
On y sent une joie apaisée et bienheureuse sur certains titres lumineux (les magnifiques Sunshine et Junebug), une violence vicieuse sur d'autres (Pig), une mélancolie jazzy sur Painbirds, plus diffuse et souterraine sur l'introduction de Happy Man (Chaos Of The Galaxy), on y préfigure Grandaddy (l'électronique Ghost Of His Smile), on y reprend Daniel Johnston (Hey Joe)...
On a à faire à un superbe recueil de chansons toutes plus grandes les unes que les autres, incroyable de variété, qui continue à tisser l'univers de Sparklehorse de sublime manière. Les mélodies y sont légions et la production est encore une fois ultra précise et détaillée, fourmillant d'idées passionnantes.

Sunshine

Ghost Of His Smile

Saint Mary


4. The Magnetic Fields - 69 Love Songs


Ayant déjà évoqué à plusieurs reprises les mérites de ce monument dans ce blog, je vais tenté de ne pas m'y étendre à nouveau... Mais tout de même. On est présence ici d'une oeuvre carrément hors-norme (69 chansons!), et d'un compositeur au talent fou. Stephin Merritt, ce vieux misanthrope espiègle, sait composer comme Buddy Holly, Burt Bacharach ou Scott Walker, et chanter comme un sublime ténor désabusé.
La collection de mélodies superbes présentes ici est incroyable, et les instrumentations, toujours parfaitement arrangées et on ne peut plus variées, manient avec une égale élégance l'orchestre à cordes et le ukulélé. Et puis on (re)découvre avec une immense joie les paroles pleines d'humour et de sarcasmes de Merritt, et ces chansons rocambolesques qui émeuvent plus que de raison, à l'instar de la définitive All My Little Words.

All My Little Words

Book Of Love

I Think I Need A New Heart


5. Spiritualized - Ladies And Gentlemen We Are Now Floating In Space



Eux on les avait déjà mentionné, mais jamais évoqué concrètement. Voilà donc l'occasion parfaite. Spiritualized, l'oeuvre de Jason Pierce, ex-moitié de Spacemen 3, a tout du fantasme musical. L'album présenté ici sous la forme d'une boîte de médicament est une vraie prescription contre la morosité ambiante. Un disque planant, rêveur, grandiloquent, imaginatif, jamais à cours d'idées, beau et triste en même temps...
Appuyé par le London Community Gospel Choir et le Balanescu Quartet, le son de l'album est gigantesque, démentiel, orchestral. Une folie des grandeurs qui aurait pu faire de cet album un truc pompeux et prétentieux, mais il n'en est rien. Les mélodies sont belles à pleurer, et notre J Spaceman narre entre autres sa rupture difficile avec Kate Radley, partie définitivement dans les bras de Richard Ashcroft, auteur avec The Verve d'un très beau disque la même année. Le propos est donc hautement émotionnel et la musique radicalement divine.
On tient bien ici le meilleur album de 1997, comme l'avait déclaré le NME à l'époque, devant OK Computer ou Urban Hymns.

Ladies and Gentlemen We Are Now Floating In Space

Broken Heart

Cool Waves


6. Pavement - Crooked Rain, Crooked Rain



Le groupe le plus cool de la décennie a certainement publié son meilleur disque avec son deuxième album, paru deux ans après l'excellent Slanted Enchanted et un an avant le jouissif Woowee Zoowee. Comme il est très dur d'élire un seul album de Pavement, chacun contenant son lot de chansons éternelles et de trucs plus discutables, on peut d'ores et déjà déclarer que si les meilleurs titres du groupe parus dans les 90's avaient été un peu plus concentrés sur un album, celui-ci aurait facilement pu briguer la place de meilleur album de la décennie. Quoi qu'il en soit, ce Crooked Rain ici présent est en l'état déjà une pépite incroyable.
Citer le titre Gold Soundz devrait suffire, mais les gens sont difficiles à convaincre aujourd'hui, toujours méfiants, alors on parlera aussi de la sublime Cut Your Hair, de la rêveuse/branleuse Heaven Is A Truck, de la définitive Range Life, et de la sublimissime Fillmore Jive...
Des chansons pop, mélodiques, décontractées et biscornues, résumant à elles seules une certaine idée de la classe version indie rock dans les années 90. Un groupe fulgurant.

Gold Soundz

Cut Your Hair

Fillmore Jive


7. Oasis - Definitely Maybe



Pour devenir la machine de guerre qu'elle est devenue, la bande des frères Gallagher a du prouver de quoi elle était capable. Et l'Angleterre du milieu des années 90's su entendre le message. Par la foi de ce premier album, l'un des plus parfaits premiers albums de toute l'histoire du rock, Oasis mettait tout le monde d'accord, indie, rock mainstream, pop,...
Jouant plus fort, ayant plus de classe, plus de morgue et d'arrogance, plus d'ambition, plus de mélodies, plus de chansons, plus de scandales, Oasis était un vrai fantasme rock'n'roll comme on en avait plus eu depuis bien longtemps. Si par la suite le groupe alternera entre des choses grotesques et d'étonnantes fulgurances, le gang de Manchester était en tout cas impérial sur ce Definitely Maybe.
Des chansons les plus profondes, pleines de sens et admirablement construites - comme Live Forever, son solo existentiel et sa fin qui tourne au tragique ou Slide Away, l'une des plus belles et des plus épiques chansons d'amour de l'histoire - on passe en un clin d'oeil aux moments rock'n'roll les plus jouissifs. La crâneuse Cigarettes & Alcohol résume par exemple à elle seule l'amour inhérent de la working class et des hooligans du genre des deux frères pour la drogue et l'alcool, seules échapatoires pour une génération désenchantée, sacrifiée par une décennie de Tatcherisme : "You could wait for a lifetime to spend you days in the sunshine. You might as well do the white line. (...) It is worth the aggravation to find yourself a job when ther's nothing worth working for."
Ce disque est l'occasion aussi de découvrir l'une des plus grandes rockstar moderne, Liam Gallagher et sa voix alors parfaite, et l'un des songwriters les plus talentueux de sa génération, en la personne de son frère, Noel, qui achèvera tout le monde par une ballade acoustique parfaite, Married With Children. Bref, un très grand disque rock.

Live Forever

Slide Away

Cigarettes & Alcohol


8. Primal Scream - Screamadelica



Paru en 1991, année faste pour le rock'n'roll, le troisième album des protégés d'Alan McGee est d'ores et déjà entré dans l'histoire, que ça vous plaise ou non.
Tout d'abord, on le sait, ce mélange alors inédit de rock et d'acid house, rythmes dance flirtant allègrement avec les choeurs soul et les riffs Stonien, fera des émules un peu partout dans le monde. On est loin du succès interplanétaire de Nirvana, mais on a quand même atteint ici quelque chose de générationnel. Car cet album sera celui d'une certaine jeunesse. A l'instar des groupes Madchester, Primal Scream fait partie de cette jeunesse désœuvrée de la fin des 80's pour qui les nuits en boîte ou en rave, gavés d'ecstas jusqu'au délire total, ont au moins autant d'importance que la musique elle-même. L'esprit est parfaitement résumé dans le sample d'ouverture de la légendaire Loaded par les saintes paroles de Peter Fonda dans Wild Angels (film culte de 1966): "-Just what is it that you want to do? -We wanna be free to do what we want to do... And we wanna get loaded... That's what we're gonna do. We gonna have a good time... We gonna have a party!!!"
Le contenu du disque fait d'innombrables références aux drogues, qui catalysent ici les rêves et les fantasmes les plus fous, embarquant la bande de Gillepsie dans un énorme trip psychédélique hautement recommandable. Un groupe et un disque légendaires.

Movin' On Up

Come Together

Higher Than The Sun


9. Radiohead - OK Computer



Karma Police

No Surpises

Lucky


10. Eels - Electro-Shock Blues



Last Stop: This Town

Elizabeth On The Bathroom Floor

The Medication Is Wearing Off


11. Air - Moon Safari



La Femme d'Argent

Sexy Boy

Kelly Watch The Stars


12. Elliott Smith - Either/Or



Angeles

Between The Bars

Say Yes


13. The La's - The La's



There She Goes

Son Of A Gun

Looking Glass


14. Blur - Parklife



This Is A Low

End Of A Century

Parklife


15. Vic Chesnutt - Is The Actor Happy?



Assist

Sad Peter Pan

Gravity Of The Situation


16. Sebadoh - Bakesale



Magnet's Coil

Rebound

Skull


17. The Brian Jonestown Massacre - Give It Back!



Servo

The Devil May Care (Mom and Dad Won't)

Satellite


18. Rage Against The Machine - Rage Against The Machine



Killing In The Name

Bombtrack

Bullet In The Head


19. Modest Mouse - The Lonesome Crowded West



Trailer Trash

Polar Opposites

Doin' The Cockroach


20. Beck - Mellow Gold



Loser

Pay No Mind (Snoozer)

Whiskeyclone Hotel City 1997



On aurait pu aussi parler de : Teenage Fanclub (Bandwagonesque, Grand Prix), Spacemen 3 (Recurring), Nirvana (Nevermind, In Utero), My Bloody Valentine (Loveless), The Red Hot Chili Peppers (Blood Sugar Sex Magic, One Hot Minute), Dinosaur Jr (Green Mind, Where You Been), The Dandy Warhols (Come Down), Pavement (Slanted and Enchanted, Woowee Zoowee), Weezer (Blue Album, Pinkerton), Ben Harper (Welcome To The Cruel World, Fight For Your Mind), Vic Chesnutt (About To Choke), The Brian Jonestown Massacre (Take It From The Man, Thank God For Mental Illness), Mercury Rev (Deserter's Songs), The Flaming Lips (The Soft Bulletin), Grandaddy (Under The Western Freeway), Bonnie Prince Billy (I See A Darkness), Blur (The Great Escape, 13, Blur), The Verve (Urban Hymns), Supergrass (I Should Coco), Oasis ((What's The Story) Morning Glory?).