lundi 26 décembre 2011

Rétrospective : Année 2011 - Top 20 Albums

Le voilà le fameux classement! Voici, pour moi, les 20 meilleurs albums publiés en 2011. C'est évidemment une liste très subjective qui risque d'évoluer avec le temps, mais ça peut permettre de découvrir deux, trois choses sympas!


1. Cults - Cults

L'album pop le plus radieux de l'année. Un coup de maître, un vrai de vrai, et quelques chansons qui sont parties pour rester dans les coeurs sensibles un bon moment. Songwriting ultra efficace, mélodies intemporelles, instrumentation fine et prod définitivement moderne : les chevelus de Cults étaient décidément les meilleurs cette année.



You Know What I Mean



2. Girls - Father, Son, Holy Ghost

Girls n'a encore rien inventé, pourtant notre duo favori, pour le coup luxueusement accompagné de choristes et de guitaristes additionnels, a pour la deuxième fois publié un album pop quasi-parfait, hautement mélodique et varié, marqué par la mélancolie et qui nous aura tenu en haleine de la première à la dernière note. Girls sait écrire de grandes chansons comme on en faisait dans les 50's et 60's, qui savent aller droit au but et ne pas tourner autour du pot quand il s'agit de faire ressortir les sentiments les plus profonds et les plus forts de nos pauvres carcasses. Un très grand album.



My Ma (Live)



3. J Mascis - Several Shades Of Why

En voilà un album très sous-estimé. Comme les deux derniers disques de Dinosaur Jr d'ailleurs... Pourtant l'intérêt était ici de taille: Mascis, guitariste épique, songwriter admirable, qui avait déjà prouvé à maintes reprises son savoir-faire pour le troussage de sublimes mélodies, s'adonnait enfin à un album dépourvu d'électricité, et sortait donc au grand jour sa voix, ses mélodies et ses qualités indéniables de songwriter. On en sort frappé par des chansons très mélancoliques, d'une puissance émotionnelle assez hallucinante (voir la crève-coeur Very Nervous and Love), surtout quand on sait qu'elles viennent d'un vieux héros fatigué du rock indé 80's et 90's. A découvrir d'urgence si ce n'est pas déjà fait.



Is It Done



4. Wilco - The Whole Love

Constamment intéressant, régulièrement passionnant, et ce depuis une bonne quinzaine d'années, Wilco continue son bout de chemin, et parvient encore une fois à être plus à-propos que jamais avec un disque d'une grande beauté... Mais merde comment font-ils??!!



Born Alone



5. Gruff Rhys - Hotel Shampoo

Un des génies les plus mésestimés de la pop (Super Furry Animals, quelqu'un?) a publié cette année l'un de ses albums les plus beaux et les plus aboutis de sa carrière. Tout le monde a l'air de s'en branler complètement et c'est bien dommage, puisqu'on ne s'ennuie pas une minute ici. Mélodique et débordant d'idées : un des disques les plus réjouissants de 2011.



Honey All Over



6. Stephen Malkmus & The Jicks - Mirror Traffic

Encore un bon vieux soldat loyal du rock indé, le vrai de vrai, qui revient au centre des attentions. Plus pop que jamais, Malkmus a enfin trouvé son équilibre, et publie ce qui est peut être son meilleur album depuis la dissolution des géniaux Pavement.



Tigers



7. The Black Keys - El Camino

Et si après tout c'était eux, le "plus grand groupe de rock au monde"? La vieille formule recyclée n'a plus vraiment de sens aujourd'hui, pourtant les Black Keys nous force à la ressortir: ça fait quand même deux albums en deux ans complètement abrasifs, à la fois accessibles au plus grand nombre et furieusement rock'n'roll, à chaque fois extrêmement beaux et maîtrisés. Plus rock, garage et blues que son superbe prédécesseur, qui se prêtait d'avantage à la soul, ce génial El Camino revient aux bases et sonne méchamment bien.



Lonely Boy



8. The Pains Of Being Pure At Heart - Belong

Visiblement très inspirés par les Smashing Pumpkins (notamment avec ces fameuses "cassures" soniques et mélodiques), ce deuxième essai des nostalgiques de POBPAT est encore une fois beau, mélancolique et remplit de mélodies sensibles et hédonistes qui nous font revenir en un clin d'oeil au début des années 90. Tant mieux, ce fut une grande période pour le rock indé!



The Body



9. Fleet Foxes - Helplessness Blues

Les génies de l'harmonie vocale reviennent aux affaires avec un album luxuriant, qui continue de creuser le sillon d'une musique folk toujours aussi pure, tutoyant même le divin le temps de quelques chansons magistrales. On en reste bouche bée.



Montezuma



10. Bon Iver - Bon Iver

L'ami Justin Vernon est devenu plus hype que jamais, menant les indés et autres hipsters à de furieuses guerres de tranchées par missives interposées pour savoir si Bon Iver, c'est cool ou pas. Mais peu importe à vrai dire, puisque Vernon continue sur la lancée d'un premier album majestueux et publie un disque ambitieux, alternant chansons aux textures originales, presque soft-rock 80's (dont la longue dérive finale qui laisse légèrement place à l'auto-indulgence) et quelques ballades monumentales dont on ne s'est toujours pas remis (Holocene, Towers). Album irrégulier mais qui fait preuve d'un potentiel immense.



Holocene



11. Beirut - The Rip Tide

Le troubadour Zach Condon revient avec un album plus personnel que jamais. D'une grande beauté, le disque alterne moments mélancoliques et autres ensoleillés pour un résultat apaisé, offrant un bol d'air salvateur à l'auditeur égaré. On respire enfin...



Sante Fe



12. M83 - Hurry Up, We're Dreaming

Épique, cinématographique, monumental, énorme, mégalo, "d'une ambition folle"... Tous ces adjectifs ont déjà été utilisés d'innombrables fois pour décrire le dernier album du groupe Fançais, qui à l'instar de Phoenix, rencontre infiniment plus de succès aux Etats-Unis que dans leur terre natale. Concrètement, c'est effectivement un double-album méga-ambitieux (objectif annoncé: être du niveau de Loveless, Melon Collie et le White Album, rien que ça!!!) au son énormissime (pleins de synthés qui sonnent merveilleusement) et dont on risque de se souvenir dans les prochaines années tant il est révélateur d'une génération. Comme les compères de Boards of Canada, que M83 ne cesse de me rappeler, la musique existentielle du groupe d'Anthony Gonzalez prend à la gorge et laisse pantois. Un album qui risque d'évoluer dans le classement au fil des écoutes, tant on y découvre de nouvelles choses à chaque fois qu'on y revient et tant l'oeuvre parait, pour l'instant, "trop immense" pour la comprendre immédiatement dans toute sa complexité.



Midnight City



13. Yuck - Yuck

Retour en 1991!!! Yuck sonne exactement comme un très bon groupe indé du début des 90's, avec quelques perles mélodiques indélébiles à la clé et une attitude slacker bienvenue en ces temps policés. Rafraîchissant.



Rubber



14. Jeffrey Lewis - A Turn In The Dream-Songs

Le génie absolu de l'anti-folk nous revient avec cet album plus médidatif que ses précédents. Légèrement moins inspiré que son prédécesseur (le magistral 'Em Are I), Jeffrey parvient tout de même une nouvelle fois à faire mouche le temps de quelques comptines superbes, nous rappelant toute la fragilité de l'art unique de ce songwriter cruellement sous-estimé.



Mosquito Mass-Murderist



15. The Black Lips - Arabia Mountain

Les Black Lips produit par Mark Ronson, voilà quelque chose qu'on n'aurait jamais imaginé! Le luxueux producteur soul et le groupe de rock déglingué se sont pourtant associés pour ce très bon album aux aspects de grand foutoir, dans lequel les Black Lips se décident enfin à s'enregistrer un peu mieux et à arrêter de chanter faux. Très bon donc.



Family Tree



16. Kurt Vile - Smoke Ring For My Halo

Syd Barrett n'est pas mort. Son âme a en fait été transférée dans le corps de ce jeune compositeur talentueux, qui fait revivre le folk psychédélique des albums solos de Barrett de bien belle manière, avec pour résultat un disque halluciné.



Baby's Arms



17. Feist - Metals

Feist, l'auteur de la célèbre 1,2,3,4, ne nous avait jamais parut très sérieuse pour être honnête. On ne l'aurait donc jamais soupçonné de pouvoir publier un album aussi beau, profond et cohérent que ce Metals très inspiré par la nature (pour le meilleur pour une fois).



How Come You Never Go There



18. St Vincent - Strange Mercy

Violemment puissant sur certaines chansons déjà connues, on connaissait le potentiel de St Vincent et de sa pop résolument moderne et hédoniste, décomplexée et complexe à la fois. Avec Strange Mercy, le groupe a enfin réussit à faire l'album qu'on attendait d'eux. Excitant.



Cruel



19. Thee Oh Sees - Carrion Crawler / The Dream

Le groupe phare de la scène surf de San Francisco sort son deuxième album de l'année avec ce Carrion Crawler / The Dream particulièrement inspiré qui alterne rock enflammé et plages plus apaisées, avec à l'appui quelques trouvailles soniques et mélodiques passionnantes. Intéressant donc.



The Dream



20. Real Estate - Days

On retrouve avec Real Estate les échos mélodiques et le vague-à-l'âme de groupes hautement mélancoliques de twee-pop (Field Mice, Another Sunny Day, etc.), des Smiths, de Felt, de Big Star et d'autres génies pour un résultat particulièrement prenant.



It's Real


P.S.: Si j'avais pu mettre un 21ème, ça aurait été le très bon album de l'ami Noel Gallagher! (-:

dimanche 4 décembre 2011

Jay Reatard / Ty Segall / Black Keys / Black Lips : même combat?

On a beaucoup parlé du retour du rock au début des années 2000, sous la houlette des fameux "sauveurs du rock", les Strokes. Mais beaucoup moins de ce qui s'est passé après...
Mais revenons d'abord au commencement. Au début de la dernière décennie, le rock des Stooges, du Velvet, des Ramones ou de Television revenait en force et redonnait un style, un son et une esthétique à ce come-back, que vous l'aimiez ou pas. Les Converses, les slims troués, les cheveux longs, les poses de rock stars, tout ça est redevenu à la mode en un clin d'oeil...
Au niveau sonique la violence du garage et des punks, qu'ils soient Anglais ou Américains, revenaient également sur le devant la scène: merci donc aux White Stripes, aux Hives, aux Libertines, aux Vines même: tout cela n'aurait pas été possible sans eux. Et puis comme tout mouvement rock'n'rollesque, le truc s'est effrité.
Les Libertines n'auront pas survécus aux relations d'amour-haine entre Barat et Doherty, ils ont été les premiers à succomber. Craig Nicholls s'est révélé atteint du syndrome Asperger, et son groupe alterna par la suite coupures, coups de génies et chansons clinquantes et grotesques. Les White Stripes sont séparés depuis bientôt un an, alors qu'il se faisaient de plus en plus rare depuis la deuxième moitié des années 2000. Les Hives n'ont rien publiés depuis 2007. Et les Strokes, quasi-séparés, ont finalement sortis leur 4ème album tant attendu : un disque fatigué et à cours d'idées.
Bref vous l'aurez compris, cette génération est belle et bien morte. Enterrée. Finit.

Que nous a-t-elle donc laissée cette vague rock au final? Hé bien peut-être une tripotée de groupes qui n'ont pas voulu s'arrêter en si bon chemin et qui ont continués à creuser le sillon du retour du rock, tout en se forgeant leur propre identité, complexe et multiple. Moins célèbres, moins "commerciaux", plus intransigeants, plus Lo-fi et plus bordéliques: les groupes qui ont suivis ont en tout cas fait honneur à la cause rock'n'roll.

Cette nouvelle génération a d'ores et déjà un héros. Que dis-je, un martyre: Jay Reatard, sacrifié sur l'autel de ses idéaux rock, fauché en pleine gloire par un cocktail mortel d'alcool et de cocaïne.
Car c'était lui le vrai détonateur: celui qui publiait 10000 chansons à un rythme frénétique, sous différents pseudos, sous différentes formations, en EP's, 45's, albums, en solo ou en groupe...
Il fut un guide et une modèle dans sa manière de faire. Et puis dans sa manière d'être: le garçon ne partait de rien, élevé dans une famille brisée qui vivait dans la pauvreté la plus totale. Sur scène, Jay expulsait furieusement toute cette frustration emmagasinée au cours d'une existence rocambolesque. Déchaîné, il ne laissait aucun répit au public, les attrapant à la gorge et ne lâchant prise qu'une fois le travail terminé. L'éthique punk et "Do It Yourself" reprenait alors tout son sens.
Enfin, surtout, Jay Reatard était certainement le seul rejeton dont les Buzzcocks pouvaient être fiers. L'artiste incorporait dans sa musique la pop 60's avec un sens du refrain incroyable, qu'il fusionnait allègrement avec des rythmes et un chant punk, une hargne garage, et cette formule mélodique que seuls ces satanés Buzzcocks connaissaient, et qui avait été développé par des gens comme les Pixies ou Supergrass.
Il fut l'auteur d'un nombre incalculable de chansons invraisemblables, disséminés principalement sur 3 albums solos fournis (dont une compilation de singles): Blood Vision, Matador Singles '08 et Watch Me Fall. Sa mort fut donc une perte incroyable, d'autant que la trajectoire pop qu'il prenait laissait augurer des jours radieux. Tant pis : Jay Reatard était bel et bien fulgurant.

Un documentaire - le très recommandable Better Than Something - est sortit sur l'artiste cette année même. Autant dire que Jay Reatard, c'est déjà de l'histoire.

Trailer du documentaire Better Than Something : Jay Reatard

It Ain't Gonna Save Me

See/Saw

I Know A Place

There Is No Sun

Don't Let Him Comeback (Live)


Ty Segall, petit génie en provenance de San Francisco, semble être le seul successeur crédible à Jay Reatard, depuis la mort tragique de celui-ci. Même tignasse, même boulimie artistique, même hargne dans ses chansons et sur scène. La gaillard est plus Lo-fi que Jay cependant, mais comme lui il fit ses dents dans divers groupes garages et punks locaux avant de se lancer en solo et dévoiler petit à petit son côté pop.
D'avantage garage que punk, on sent que Ty Segall a écouté Sonics, Remains, Them, 13th Floor Elevators et autres vieilleries Nuggets pour s'en inspirer et régurgiter le tout à la jeune génération, qui en redemande.

My Sunshine

Goodbye Bread (Live)

It #1

So Alone


Certainement les plus drôles du lot, les farfelus Black Lips, qui pratiquent, selon leurs propres paroles, du "punk hippie", ont également grandement contribué à maintenir en vie un rock en mal d'authenticité. Complètement déjantés, partant en tournée dans les destinations les plus improbables, le groupe braille et chante faux des mélodies souvent superbes.
Voir les Black Lips en live est une des dernières vraies expériences rock: on ne sait jamais à quoi s'attendre, ils pourraient se battre, casser une guitare ou arriver bourré... Ou bien balancer un concert légendaire et survitaminé. La bande n'a pas grand chose à foutre de quoi que ce soit, mais parvient à produire une musique qui tient miraculeusement debout.

Bad Kids

Family Tree

Katrina

Dirty Hands (Live)


Enfin les Black Keys, souvent comparés aux White Stripes à leurs débuts, ont évolués de manière assez spectaculaire en incorporant à leur formule blues-garage initiale des éléments de soul, de hard ou de punk tout au long d'une discographie impeccable et sans faute de goût aucune. Ils sont les seuls à représenter cette génération auprès du grand public, réussissant l'exploit de polir leur son suffisamment pour le rendre accessible au plus grand nombre, mais pas trop non plus afin de le laisser sale, frimeur et provocateur. Impeccable.

Lonely Boy

Next Girl

I Got Mine

Girl Is On My Mind


Enfin pour finir une mini sélection de quelques groupes et artistes intéressants appartenant plus ou moins à cette même mouvance, avec entre autres l'énormissime King Khan, les géniaux Thee Oh Sees ou les impétueux Strange Boys.
A déguster sans modération.

King Khan & The Shrines - Land Of The Freak

The Strange Boys - Be Brave

Thee Oh Sees - Tidal Wave

Sic Alps - Cement Surfboard