dimanche 5 juin 2011

Spacemen 3

Et voilà ce qui se passe quand on gave de pilules magiques quatre gosses aux oreilles avisées...

Formés au début des années 80 à Rugby, en Angleterre, par Jason Pierce (J Spaceman) et Peter Kember (Sonic Boom), tout deux guitaristes, Spacemen 3 passe plusieurs années à jammer et à perfectionner son art avant de se lancer dans une aventure discographique. Alors qu'ils sont en place depuis 1982, ce n'est qu'en 1986 que la formation parvient à publier son premier album, le désormais classique Sound Of Confusion. Hautement psychédélique, ne délaissant pas les mélodies, Sound Of Confusion pose surtout les bases de ce qui fera la singularité du groupe: des guitares infernales, qui martèlent le même riff jusqu'à l'hypnose, le tout avec un son plus distordu, acéré et bourdonnant que jamais.

Si Spacemen 3 doit quelque chose à quelqu'un, c'est bien à Roky Eriksson et ses 13th Floor Elevators... Le groupe psyché d'Austin avait dès le milieu des années 60 anticipé ce qui allait se passer 20 ans plus tard: des guitares acérées comme des lames de rasoirs, un chant plus ou moins approximatif et incantatoire, des paroles hallucinées, un rythme martial et une vibe psychédélique fortement nourrie de drogues en tout genre.

On pense aussi évidemment aux géniaux Jesus & Mary Chain: les deux groupes sont tout deux très en avance sur leur temps, on s'en rendra compte plus tard, et semblables par bien des aspects. Formés un an après les Spacemen 3, J & M seront cependant les premiers à dégainer, en 1985, avec le chef d’œuvre Psychocandy, soit un an avant Sound Of Confusion...
Ce sera un bien pour un mal à vrai dire, puisque le succès des Mary Chain permit de plus ou moins "former" les oreilles du public, plus apte dès lors à apprécier la violence psychédélique des Spacemen 3 quand elle débarquera dans la foulée...

Enfin la drogue a une importance capitale dans la musique du groupe, au point de nommer un de leurs albums "The Perfect Prescription", et une collection de démos post break-up "Taking Drugs To Make Music To Take Drugs To"...
Le son du groupe, avec ces riffs répétés jusqu'à l'hypnose et ces guitares tronçonneuses qui finissent d'assommer l'auditoire reproduisent à la perfection la léthargie comateuse et hallucinogène des drogues les plus puissantes.

Après l'inaugural et abrasif Sound Of Confusion, le groupe va enfoncer le clou avec ses deux essais suivants: le très bon The Perfect Prescription (1987), sur lequel les titres descendent rarement en dessous des 5 minutes, et le chef-d’œuvre Playing With Fire (1989), qui voit la bande atteindre son apogée avec des chansons mythiques comme Revolution. Spacemen 3 a alors appris à nuancer ses compositions et brille de mille feux sur les pistes les plus apaisées.

En 4 ans le groupe a donc enchaîné 4 albums de très haute facture (un superbe live à Amsterdam publié en 1988, intitulé Performance, complète la série) et influencé des générations de rockers qui ne se remettront pas de la modernité absolue de cette musique puissante et psychédélique.

En 1991, Pierce et Kember se détestent et ne peuvent plus composer ensembles. Une face est donc allouée à chacun des deux leaders, et il en résultera le dernier album du groupe, Recurring, étonnamment bon quand on connait ses conditions de conception...
Par la suite, 3 collections de démos ou d'alternate versions (Losing Touch With Your Mind (1991), Taking Drugs To Make Music To Take Drugs To (1994) et For All the Fucked-Up Children of This World We Give You Spacemen 3 (1995), souvent dépourvues d'électricité, dévoileront au grand jour les squelettes des chansons du groupe. Ces 3 recueils (il y en a d'autres, mais ces 3 là sont particulièrement bons) finiront de prouver à qui en doutait encore que derrière tout ce bruit brillaient des compositions très belles, limites pop parfois.

La suite est connue: la génération shoegaze d'abord rependra à la fin des années 80 les enseignements encore tout chauds de nos hommes de l'espace, avant que la scène Madchester ne récupère avec entrain le profond attachement du groupe pour les drogues. Dans les années 90, les Dandy Warhols et surtout le Brian Jonestown Massacre feront figure de très bons élèves aux yeux de Sonic Boom et de Jason Pierce qui, entre temps, ont eu le temps de former respectivement Spectrum et Spiritualized (à qui on doit, s'il fallait le rappeler, un disque absolument parfait, "Ladies & Gentlemen We Are Now Floating In Space"), rien que ça!
Des Warlocks à MGMT en passant par les Black Angels ou les légendes inclassables de Primal Scream, tous ne seront que des apprentis plus ou moins brillants des visionnaires Spacemen 3...

Pour cette flopée de groupes géniaux, et surtout pour leur musique sortie de nulle part, on dit merci aux gentils hommes de l'espace!


Spacemen 3 - Revolution


Spacemen 3 - Lord Can You Hear Me


Spacemen 3 - Hypnotized

1 commentaire:

  1. Très bon article résumant bien la carrière éclair, véritable fulgurance à la virtuosité inouï !!!
    Spacemen 3 en deux albums, deux chef d'oeuvres, "The Perfect Prescription" et "Playing With Fire" (titre totalement approprié), ont redéfinit le rock psychédélique, un Space rock hypnotique et drogué. Un Néo-psychédélisme encore influent et source d'inspiration en 2012.

    Ces 2 oeuvres sont pour moi des disques d'île déserte, des INCONTOURNABLES !!!!

    A +

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