dimanche 4 décembre 2011

Jay Reatard / Ty Segall / Black Keys / Black Lips : même combat?

On a beaucoup parlé du retour du rock au début des années 2000, sous la houlette des fameux "sauveurs du rock", les Strokes. Mais beaucoup moins de ce qui s'est passé après...
Mais revenons d'abord au commencement. Au début de la dernière décennie, le rock des Stooges, du Velvet, des Ramones ou de Television revenait en force et redonnait un style, un son et une esthétique à ce come-back, que vous l'aimiez ou pas. Les Converses, les slims troués, les cheveux longs, les poses de rock stars, tout ça est redevenu à la mode en un clin d'oeil...
Au niveau sonique la violence du garage et des punks, qu'ils soient Anglais ou Américains, revenaient également sur le devant la scène: merci donc aux White Stripes, aux Hives, aux Libertines, aux Vines même: tout cela n'aurait pas été possible sans eux. Et puis comme tout mouvement rock'n'rollesque, le truc s'est effrité.
Les Libertines n'auront pas survécus aux relations d'amour-haine entre Barat et Doherty, ils ont été les premiers à succomber. Craig Nicholls s'est révélé atteint du syndrome Asperger, et son groupe alterna par la suite coupures, coups de génies et chansons clinquantes et grotesques. Les White Stripes sont séparés depuis bientôt un an, alors qu'il se faisaient de plus en plus rare depuis la deuxième moitié des années 2000. Les Hives n'ont rien publiés depuis 2007. Et les Strokes, quasi-séparés, ont finalement sortis leur 4ème album tant attendu : un disque fatigué et à cours d'idées.
Bref vous l'aurez compris, cette génération est belle et bien morte. Enterrée. Finit.

Que nous a-t-elle donc laissée cette vague rock au final? Hé bien peut-être une tripotée de groupes qui n'ont pas voulu s'arrêter en si bon chemin et qui ont continués à creuser le sillon du retour du rock, tout en se forgeant leur propre identité, complexe et multiple. Moins célèbres, moins "commerciaux", plus intransigeants, plus Lo-fi et plus bordéliques: les groupes qui ont suivis ont en tout cas fait honneur à la cause rock'n'roll.

Cette nouvelle génération a d'ores et déjà un héros. Que dis-je, un martyre: Jay Reatard, sacrifié sur l'autel de ses idéaux rock, fauché en pleine gloire par un cocktail mortel d'alcool et de cocaïne.
Car c'était lui le vrai détonateur: celui qui publiait 10000 chansons à un rythme frénétique, sous différents pseudos, sous différentes formations, en EP's, 45's, albums, en solo ou en groupe...
Il fut un guide et une modèle dans sa manière de faire. Et puis dans sa manière d'être: le garçon ne partait de rien, élevé dans une famille brisée qui vivait dans la pauvreté la plus totale. Sur scène, Jay expulsait furieusement toute cette frustration emmagasinée au cours d'une existence rocambolesque. Déchaîné, il ne laissait aucun répit au public, les attrapant à la gorge et ne lâchant prise qu'une fois le travail terminé. L'éthique punk et "Do It Yourself" reprenait alors tout son sens.
Enfin, surtout, Jay Reatard était certainement le seul rejeton dont les Buzzcocks pouvaient être fiers. L'artiste incorporait dans sa musique la pop 60's avec un sens du refrain incroyable, qu'il fusionnait allègrement avec des rythmes et un chant punk, une hargne garage, et cette formule mélodique que seuls ces satanés Buzzcocks connaissaient, et qui avait été développé par des gens comme les Pixies ou Supergrass.
Il fut l'auteur d'un nombre incalculable de chansons invraisemblables, disséminés principalement sur 3 albums solos fournis (dont une compilation de singles): Blood Vision, Matador Singles '08 et Watch Me Fall. Sa mort fut donc une perte incroyable, d'autant que la trajectoire pop qu'il prenait laissait augurer des jours radieux. Tant pis : Jay Reatard était bel et bien fulgurant.

Un documentaire - le très recommandable Better Than Something - est sortit sur l'artiste cette année même. Autant dire que Jay Reatard, c'est déjà de l'histoire.

Trailer du documentaire Better Than Something : Jay Reatard

It Ain't Gonna Save Me

See/Saw

I Know A Place

There Is No Sun

Don't Let Him Comeback (Live)


Ty Segall, petit génie en provenance de San Francisco, semble être le seul successeur crédible à Jay Reatard, depuis la mort tragique de celui-ci. Même tignasse, même boulimie artistique, même hargne dans ses chansons et sur scène. La gaillard est plus Lo-fi que Jay cependant, mais comme lui il fit ses dents dans divers groupes garages et punks locaux avant de se lancer en solo et dévoiler petit à petit son côté pop.
D'avantage garage que punk, on sent que Ty Segall a écouté Sonics, Remains, Them, 13th Floor Elevators et autres vieilleries Nuggets pour s'en inspirer et régurgiter le tout à la jeune génération, qui en redemande.

My Sunshine

Goodbye Bread (Live)

It #1

So Alone


Certainement les plus drôles du lot, les farfelus Black Lips, qui pratiquent, selon leurs propres paroles, du "punk hippie", ont également grandement contribué à maintenir en vie un rock en mal d'authenticité. Complètement déjantés, partant en tournée dans les destinations les plus improbables, le groupe braille et chante faux des mélodies souvent superbes.
Voir les Black Lips en live est une des dernières vraies expériences rock: on ne sait jamais à quoi s'attendre, ils pourraient se battre, casser une guitare ou arriver bourré... Ou bien balancer un concert légendaire et survitaminé. La bande n'a pas grand chose à foutre de quoi que ce soit, mais parvient à produire une musique qui tient miraculeusement debout.

Bad Kids

Family Tree

Katrina

Dirty Hands (Live)


Enfin les Black Keys, souvent comparés aux White Stripes à leurs débuts, ont évolués de manière assez spectaculaire en incorporant à leur formule blues-garage initiale des éléments de soul, de hard ou de punk tout au long d'une discographie impeccable et sans faute de goût aucune. Ils sont les seuls à représenter cette génération auprès du grand public, réussissant l'exploit de polir leur son suffisamment pour le rendre accessible au plus grand nombre, mais pas trop non plus afin de le laisser sale, frimeur et provocateur. Impeccable.

Lonely Boy

Next Girl

I Got Mine

Girl Is On My Mind


Enfin pour finir une mini sélection de quelques groupes et artistes intéressants appartenant plus ou moins à cette même mouvance, avec entre autres l'énormissime King Khan, les géniaux Thee Oh Sees ou les impétueux Strange Boys.
A déguster sans modération.

King Khan & The Shrines - Land Of The Freak

The Strange Boys - Be Brave

Thee Oh Sees - Tidal Wave

Sic Alps - Cement Surfboard

1 commentaire:

  1. Bon article et super découverte de "Ty Segall" et "King Khan & The Shrines" ! Je découvre le blog je vais faire un tour dans les autres articles tiens.

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