Parce que ça fait plaisir de temps en temps, voici mes classements à la con des meilleurs albums de tout les temps, par décennie. Je sais, je sais, ces tops sont régulièrement ridicules, dépourvus de sens, souvent sans intérêts, et systématiquement sujets à controverse.
Mais force est de constater qu'on prend à chaque fois un malin plaisir à les construire... Et puis ce peut être l'occasion de découvrir quelques trucs sympas...
Ici pas de Yankee Foxtrot Hotel, pas de Kid A, pas de Funeral : en résumé ce n'est pas un top qui a pour but d'être objectif ou de ressembler à tout ceux déjà publiés par Pitchfork, le NME et autres.
Voici donc ma liste, pour commencer, des 20 meilleurs albums des années 2000 (dans le domaine rock et folk s'il fallait préciser) :
1. Sparklehorse - It's A Wonderful Life
L'une des oeuvres les plus sombres et les plus dérangées du cheval étincelant. On est ici très loin des standards radiophoniques, pourtant It's A Wonderful Life est rempli de mélodies radieuses, et ce troisième essai de Sparklehorse fait preuve d'une cohérence fascinante.
Il y a ces ruptures violentes qui font figures d'électrochocs après des longues plages d'apaisement, ces gazouillis électroniques, ces paroles surréalistes à la douce poésie murmurée, tout juste chuchotée, ces vieux violons grandioses qui jouent "comme l'orchestre du Titanic quand le paquebot coulait...", cet univers plein de bébés, de fêtes foraines, d'oiseaux, de mélancolie et d'araignées... Un monde dans lequel se perdre et ne plus jamais se retrouver.
Une musique tellement plus envoûtante que l'immense majorité de ses contemporains que les éventuelles comparaisons en deviennent systématiquement ridicules. Mark Linkous était largement au dessus de la mêlée, c'est un fait indéniable, et ce disque est bien le meilleur à avoir été publié dans les années 2000. Un véritable triomphe artistique, à défaut d'être commercial.
It's A Wonderful Life
Gold Day
Piano Fire
2. Bright Eyes - I'm Wide Awake, It's Morning
Conor Oberst, le très jeune leader de Bright Eyes, avait fait très fort en 2005, et beaucoup de gens ont tendance à l'oublier. En effet, ce jeune pas branleur pour un sous avait sortit simultanément 2 disques d'un niveau hallucinant : le sombre, désespéré et électronique A Digital Ash On A Digital Urn, et le folk et mélancolique I'm Wide Awake, It's Morning, qui trouva un écho particulier auprès de la jeunesse Américaine mal dans sa peau de l'époque.
Cet album est un recueil de ballades immensément chargées émotionnellement, continuellement briseuses de coeur et toujours admirablement écrites. Car Oberst a un réel talent pour composer des chansons de la trempe des Don't Think Twice, It's Alright ou Girl From The North Country du Dylan de la grande époque. Il s'agit bien ici du chef-d'oeuvre du barde de notre génération. Très pessimiste mais appelant à la révolte, honnête, dépouillé mais parfois aussi élégamment accompagné (les trompettes et Emmylou Harris sur la sublime Landlocked Blues par exemple),
Bright Eyes émouvait plus que de raison, et signait alors un album proche de la perfection.
At The Bottom Of Everything
Land Locked Blues
First Day Of My Life
3. The Strokes - Is This It
Si l'album de Bright Eyes ci-dessus était le manifeste des coeurs brisés et des losers, et que celui de Sparklehorse n'était le manifeste de rien du tout, ce premier et dors et déjà légendaire album des Strokes était celui d'une jeunesse résolument cool et rock'n'roll. Cette jeunesse des slims, des Converse, des drogues, de l'alcool et des soirées invraisemblables. Car il faut se rappeler à quel point cet album a marqué. On connait l'histoire. Il sortait de nulle part. Un séisme, une mini-révolution du rock. Le retour de Television, des Ramones et du Velvet. Le come-back de New York et du vrai rock'n'roll. Mais au-delà de tout ces symboles, Is This It était surtout et avant tout un incroyable album débordant de chansons magnifiques, fourmillant d'idées et de mélodies. Ce qu'on oublie souvent.
Last Nite
Someday
Take It Or Leave It
4. Gorillaz - Demon Days
Au delà des gros tubes radio friendly, il y avait dans la musique du deuxième groupe de Damon Albarn une âme. Une âme qui brilla de mille feux sur le deuxième album du "groupe virtuel", Demon Days. On a à faire ici à une oeuvre habitée, invitant au voyage, anticipant un futur sordide fait de violence, de pollution et de drogues. La pop de Gorillaz hésite entre country pour cowboy moderne ("Fire Coming Out Of The Monkey's Head"), pop-electro efficace et envoûtante avec des choeurs bien sentis ("Kids With Guns", "Last Living Souls"), rap impressionnant sur ballade folk désespérément belle ("November Has Come"), rock binaire violent ("White Light") ou complainte mélancolique proche du sublime ("El Mañana"). Le tout étant étonnamment cohérent et constamment beau. Un très grand album.
El Mañana
Kids With Guns
November Has Come
5. Flotation Toy Warning - Bluffer's Guide To The Flight Deck
Là où la pop et l'expérimental se rencontrent, où les grands orchestres pleins de trompettes, de tubas et de violons côtoient des mélodies pop et des paysages tourmentés, se trouve ce groupe bien étrange : Flotation Toy Warning, ce doux ovni. Voilà un groupe qui sort de nul part et publie un album beau à en pleurer, où les "expérimentations" sont plus sentimentales et planantes que longues et chiantes. A l'image de l'albatros de Baudelaire, ce disque à la pochette splendide avait pour destin l'ignorance et le désintérêt, Flotation Toy Warning restant confiné à un public avertit et fidèle. Mais avec ce grand et beau chef-d'oeuvre qu'est Bluffer's Guide, on avait il est vrai osé espérer un peu plus de reconnaissance tout de même. Pas grave. Les gens redécouvriront ça dans 50 ans et se rendront compte de leur erreur.
Donald Pleasance
Happy 13
Popstar Researching Oblivion
6. Sufjan Stevens - Illinoise
Quel album! Certainement l'une des oeuvres les plus "intelligentes" de l'histoire de la pop music. On connaît à l'époque le projet fou et mégalo de Sufjan Stevens : 1 album par Etat des Etats-Unis. Du grand n'importe quoi. On sait ce qui suivra : l'aveu d'échec, le doute, la dépression, la folie, l'album The Age Of Adz. N'empêche que sur cet album précis, Sufjan a réussit à capturer toute l'histoire, la culture, l'essence et l'atmosphère de l'Illinois. Il faut dire que l'homme ne lésine pas sur les moyens (orchestre à cuivres et à cordes à disposition, chorale, références historiques innombrables,...) ni sur le talent : les mélodies sont régulièrement magnifiques, parfois incroyablement touchantes (comme sur la très personnelle Casimir Pulaski Day, écrite à coeur ouvert) et le tout est sublimement emballé (production orchestrale sublime sur la féérique Chicago, discrète et essentielle sur la fascinante John Wayne Gacy Jr.). Un très grand disque sur lequel on peut revenir des centaines de fois en y trouvant toujours quelque chose pour se réjouir.
Chicago
Casimir Pulaski Day
John Wayne Gacy Jr.
7. The White Stripes - White Blood Cells
Il est intéressant de constater à quel point le public et la critique ont quelque peu retournés leurs vestes à propos des White Stripes. Acclamés comme les messies à la sortie d'Elephant, couronnés rois du rock, applaudis pour leur éthique punk et "less is more", considérés comme les sauveurs du vrai rock'n'roll, celui des Stooges, celui qui vient du blues, remplissant des stades en un clin d'oeil par la foi d'un tube interplanétaire (le fameux Seven Nation Army), les White Stripes étaient alors partout. Aujourd'hui, on peine à trouver cet album dans les tops des différents magazines définissant la hype musicale. Les gens ont retenus le premier Arcade Fire et le premier Strokes et ont oubliés les White Stripes on dirait. Trop entendus. Pourtant, avant même de sortir Elephant, Jack & Meg White avaient publiés un album atomique répondant au doux nom de White Blood Cells. Ce n'est ni l'album fondateur, ni celui de la consécration, mais c'est bien celui où les chansons sont les meilleures. De la renversante et furieuse Fell In Love With A Girl, à la sublime ballade We're Going To Be Friends, en passant par la réjouissante Hotel Yorba, les Stripes fusionnaient avec force et talent blues vicieux, punk-rock incendiaire et mélodies pop. Et repassaient alors le message à toute une génération : "Do it yourself, guys...".
Fell In Love With A Girl
We're Going To Be Friends
Hotel Yorba
8. Sparklehorse - Dreamt For Light Years In The Belly Of A Mountain
Le quatrième et dernier vrai album de Sparklehorse ne déroge pas à la règle : c'est un disque extraordinairement beau et cohérent. Sa gestation fut longue et incroyablement difficile, Mark Linkous traversant notamment une longue dépression, résultat de la mort de plusieurs amis proches, mais le résultat en valait définitivement la peine. Aidé de Danger Mouse à la production, Linkous excelle comme d'habitude dans les mélodies Beatlessiennes sublimes (voir les radieuses Some Sweet Day et Don't Take My Sunshine Away) et les ballades mortifères impériales (voir la très sombre Return To Me, chantée avec une douleur insondable). Sur Morning Hollow, il parvient même à nous faire planer comme rarement, avant de nous réveiller violemment avec It's Not So Hard... Comme dans la vie, les rêves ne durent pas éternellement, et le retour à la réalité est souvent dur et impitoyable. Rarement en tout cas un groupe aura saisit aussi bien toute l'ambivalence de la vie que Sparklehorse tout au long de ses albums immaculés.
Some Sweet Day
Please Don't Take My Sunshine Away
Morning Hollow
9. Bon Iver - For Emma, Forever Ago
L'histoire de la conception de cet album est connue de tous : Justin Vernon sort d'une relation amoureuse compliquée et passionnelle, et part se réfugier seul dans une cabane paumée dans les bois du Wisconsin. Très bien. Voilà pour le décor, ou le folklore, c'est selon. Pour ce qui est de la musique, les chansons, souvent très tristes et intenses, sont des réminiscences des plus grands moments de Nick Drake, Townes Van Zandt, Neil Young, Will Oldham ou Bob Dylan. Un folk épuré, mélodiquement impeccable, avec cette voix haut perchée de Vernon qui parvient à titiller les sentiments les plus enfouis au fond de nos coeurs de pierre. For Emma, Forever Ago contient au final parmi les plus belles et les plus intenses complaintes du XXIème siècle... Un disque au pouvoir émotionnel impressionnant, à écouter avec précaution.
Skinny Love
The Wolves (Act I & II)
Flume
10. Devendra Banhart - Cripple Crow
Rarement une contre-réaction n'aura été aussi violente que celle concernant la hype qui visait Devendra Banhart. Considéré par tout les biens-pensants du rock indé comme une fumisterie bobo ridicule, comme un clown hippie-bourgeois sans talent, Devendra Banhart n'a eu de cesse d'être méprisé, piétiné et jeté aux ordures par toute cette foule haineuse qui semble s'être arrêtée à l'un des seuls tubes de l'artiste, reprise dans une pub pour voiture : I Feel Just Like A Child. Pourtant si ces abrutis avaient bien voulu aller plus loin, ils auraient découvert un songwriter extrêmement talentueux, qui avait auparavant déjà publié plusieurs albums folk de très haute facture, qui rappelait joyeusement Nick Drake, John Renbourn ou Bert Jansch (ce dernier étant même un grand fan du bonhomme). Sur ce Cripple Crow, le Sergent Pepper de Banhart, notre barbu préféré fait preuve d'une créativité sans limite, qui va de la folk-pop la plus ensoleillée, très Summer Of Love, de How's About Telling A Story ou de Some People Ride The Wave, aux chansons à l'influence latine très marquée (Santa Maria de La Feira, qui peut rappeler Caetano Veloso, une idole de Banhart (preuve implacable de bon goût)), en passant par des complaintes aériennes et rêveuses, comme ce Hey Mama Wolf divin ou l'amusant et réjouissant Chinese Children. Infiniment plus beau et malin que ce que les mauvaises langues peuvent dire : un très très grand album.
Hey Mama Wolf
Now That I Know
How's About Telling A Story
11. Jeffrey Lewis - 'Em Are I
D'après Jarvis Cocker en personne, le meilleur songwriter d'Amérique actuellement. Rien que ça. Et le pire c'est qu'il est difficile de ne pas être d'accord avec le grand Jarvis.
On disait du Dylan dans ses jeunes années qu'il avait ce talent pour "exprimer à la perfection ce que tout le monde pensait mais n'arrivait pas à dire". Avec Jeffrey Lewis c'est exactement la même chose. Certes les sujets de prédilection de l'un et de l'autre sont bien différents, mais la comparaison est pertinente je trouve. Quand il entonne "If Life Exists", on a l'impression que le bonhomme parvient à nous résumer la vie en une chanson, au grès de plusieurs "killing lines", comme celle-ci : "It's all easier said than done, and it's not even easy to say".
Lewis a aussi beaucoup emprunté à Daniel Johnston et à la scène antifolk naissante à laquelle il a été vite associé. Il y a chez lui cette honnêteté brute, cet humour doux-amer, ces petites chroniques urbaines... En plus d'être un virtuose des mots, Lewis déroule ses textes sur des tapis mélodiques admirables, et parvient à nous émouvoir plus que de raison.
Roll Bus Roll
Broken, Broken, Broken Heart
If Life Exists
12. The Libertines - The Libertines
Can't Stand Me Now
What Became Of The Likely Lads
13. Grandaddy - Sophtware Slump
He's Simple, He's Dumb, He's The Pilot
Crystal Lake
14. The Brian Jonestown Massacre - My Bloody Underground
Bring Me The Head Of Paul McCartney On Heather Mills Wooden Peg (Dropping Bombs On The White House)
We Are The Niggers Of The World
15. The Flaming Lips - Yoshimi Battles The Pink Robots
Do You Realize
Yoshimi Battles The Pink Robots
16. Yo La Tengo - And Then Nothing Turned Itself Inside Out
Our Way To Fall
You Can Have It All
17. Girls - Album
Lust For Life
Hellhole Ratrace
18. The Dandy Warhols - Thirteen Tales Of Urban Bohemia
Bohemian Like You
Sleep
19. Silver Jews - Tanglewood Numbers
Punks In The Beerlight
Sleeping Is The Only Love
20. Dinosaur Jr - Farm
Over It
Plans
Et puis on aurait aussi pu citer : Eels, The Magnetic Fields, Arctic Monkeys, Primal Scream, BRMC, Air, Wilco, Arcade Fire, Radiohead, Beck, Modest Mouse, Jay Reatard, Beirut, Paul Baribeau, RHCP, MGMT, Oasis, Phoenix, Bonnie Prince Billy, Lambchop, Fleet Foxes, Antony & The Johnsons, The XX, Godspeed You! Black Emperor, Vic Chesnutt, Blur, LCD Soundsystem, Adam Green ou The Moldy Peaches.
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